17 septembre Marc Guillemain n’est plus

Mais qui est Marc Guillemain ?

Marc Guillemain 1951 – 17 septembre 2022

Damien Merit – Jean Riondet

Paraplégique à 19 ans suite à un accident de moto, il décida de vivre seul chez lui refusant les conseils des médecins du centre de rééducation qui lui proposaient une entrée dans une institution. Il devint apiculteur et eut jusqu’à 400 ruches. Nous l’avons vu dans son fauteuil roulant manipuler les hausses des Dadant 12c pleines de miel, ses techniques de transfert des éléments de ruche étaient spectaculaires. 

L’apiculteur

Son domaine, « les sapins », à Auxerre est un havre de tranquillité pour les abeilles l’environnement est riches de floraisons de toutes sortes, en toutes périodes de la saison apicole et les récoltes sont au rendez-vous.

Nous tous qui y sommes passés avons pu apprécier ce bout de carrière protégé des courants d’air le long de la nationale 65, la route de Chablis.

Passionné par l’apiculture, il était doté d’un sens de l’observation extraordinaire. 

Il était fasciné par la vie des abeilles dans les troncs d’arbres creux. Dans ses recherches sur l’isolation des ruches, il se référait souvent à ces ruches naturelles. Il a vécu une expérience particulière avec les abeilles sauvages. 

L’innovateur

Une de ses premières expériences avec les abeilles fut le transfert d’un petit essaim d’un tronc d’arbre creux dans une ruche 12 cadres. Et, évènement que nous avons tous connu, le printemps suivant l’essaim n’avait pas survécu. Cet échec le déconcertait. A force de réflexion il en conclut que la ruche était un habitacle trop grand pour un si petit essaim.

L’idée d’isoler les ruches lui vient de cette expérience singulière. Il multiplia les essais avec tous les matériaux isolants disponibles. Progressivement il mit au point sa fameuses PIHP : Partition Isolée Haute Performance, qui est toujours copiée, jamais égalée car les principes sous-jacents à cette conception et à la conduite des ruches qui en découle sont ignorés. Il combina isolant réfléchissant pour renvoyer le rayonnement infrarouge sur le couvain et isolant thermique pour couper la conduction des matériaux.

Au-delà de l’innovation technique il en déclina le mode d’emploi. Son apport majeur porte sur l’importance qu’il accorde à la thermorégulation du couvain, économiser les forces des abeilles dans le maintien des paramètres température et hygrométrie indispensables pour une bonne maturation du couvain. C’était son obsession, maintenir la température dans l’espace du couvain. Il en explora toutes les modalités.

Par la suite il travailla sur l’isolation du toit de la ruche. Et il acquit la conviction qu’il fallait que le sommet de la ruche soit totalement fermé, bouclé, étanche. 

Il défendit son idée contre l’avis même de nombreux apiculteurs qui s’inquiétaient d’une hygrométrie élevée dans la ruche ainsi isolée, fermée. Cette question que soulevaient en permanence ses stagiaires l’agaçait. Il constatait que ses colonies résistaient bien aux agressions multiples, que l’humidité n’était pas catastrophique mais au contraire bénéfique quand la condensation a lieu au bon endroit. Il en arriva à une nouvelle conclusion : l’hygrométrie doit être d’autant plus élevée qu’elle est utile pour le couvain et pourrait être néfaste pour Varroa destructor. 

Dans cette logique son travail portait depuis quelques années sur l’isolation du plateau de sol et sur la meilleure façon de couper les courants d’air absents dans les troncs d’arbre creux mais constants dans nos ruches aux plateaux de sol totalement aérés. Cette ventilation des plateaux de sol, aberrante à ses yeux, est liée aux techniques de gestion de Varroa destructor dans les colonies. À une catastrophe, on répond par un mal.

Le bien être des abeilles 

Son option n’était pas de faire de l’innovation sur les ruches mais de transformer les pratiques apicoles pour optimiser la ressource abeille et leur redonner les conditions de vie les plus proches de celles qui lui ont permis d’évoluer au cours de leurs millions d’années de présence sur notre terre. Pour lui, innovation technologique et changement des pratiques apicoles allaient de pair.

C’est en ce sens qu’il fut un révolutionnaire. Il mêlait connaissance et respect de la vie de l’abeille, création d’outils techniques et développement de nouvelles méthodes de travail.

Les gains obtenus avec son approche sont économiquement remarquables, la qualité de vie des abeilles, leur longévité, leur résistance naturelle aux maladies sont étonnantes.

Ses idées partagées

Nombre d’apiculteurs professionnels comme amateurs suivent ses préconisations et les ont introduites dans leurs pratiques. Ils découvrirent ses méthodes au cours des formation organisées par l’Anercea à Auxerre chez lui. L’Anercea était sa seconde maison et la formation sa conviction pour le partage des connaissances.

Plusieurs membres du CA de l’Anercea lui apportèrent leur soutien dans sa démarche. Il leur rendait constamment hommage auprès de ses stagiaires venus de l’Europe entière. Il tenait en très haute estime ce réseau d’apiculteurs professionnels passionnés aux compétences uniques.

Ces dernières années les travaux des chercheurs sur le thème de l’isolation l’ont rempli d’aise, ses intuitions n’étaient pas sans fondement. Jürgen TAUTZ (Allemagne), Thomas SEELEY (USA), Derek MITCHELL (Royaume Uni), pour les auteurs contemporains, devinrent ses références.

En février 2007, Alexander Kommissar, chercheur en apiculture et éleveur de reines réputé en Ukraine, vient le voir chez lui lors d’une rencontre de l’Anercea. Il fait froid, et Marc Guillemain lui ouvre une de ses ruches et stupeur : sous l’isobulle de couverture du corps de la ruche, Alexander Komissar découvre une colonie étalée sur tous les cadres, avec des abeilles actives ! Les abeilles ne se sont pas mises en grappe pour se tenir chaud alors qu’il gèle dehors! 

Alexander Komissar réalise la performance de l’isolation conçue par Marc Guillemain et cela lui permet de trouver la solution pour réduire les pertes hivernales dans ses nucléi. Après avoir diffusé les idées de Marc Guillemain dans son pays il lui fait attribuer la plus haute distinction apicole de l’Ukraine. « pour une contribution significative et massive dans le développement de l’apiculture en Ukraine »

Bien des critiques à l’encontre des idées de Marc Guillemain le furent par ceux qui n’ont jamais expérimenté correctement ses propositions, car ceux qui adoptèrent ses méthodes ne les ont jamais abandonnées et en travaillent à leur évolution. 

Un ouvrage sur ses méthodes de travail est en cours d’écriture avec Damien Merit, il espérait tenir jusqu’à sa parution. Cet ouvrage devient un hommage à son intelligence des abeilles. Une nouvelle génération s’empare de ses idées et de ses pratiques. Damien, Jérôme, Fanny et les autres évoluent dans la continuité de la voie ouverte par Marc.

Marc était un battant doté d’une volonté à toute épreuve, il fit partie des équipes Handisport de basket et participa 3 fois en 12 ans aux JO paralympiques où ils furent une fois médaillé d’or et une fois médaillé de bronze.

Peu d’entre nous peuvent aligner un tel palmarès

Jean RIONDET

Auteur Jean Riondet

Apiculteur de longue date, Jean Riondet est un passionné qui aime apprendre et transmettre. Parallèlement à l’entretien de ses ruches, il enseigne l’apiculture depuis plus de 35 ans dans la région lyonnaise. Auteur d’un premier ouvrage, Un rucher dans mon jardin (Nathan, 1995), il rédige depuis l'an 2000 diverses rubriques d'abord dans la revue Abeilles et fleurs, puis dans la revue L'abeille de France. Il anime le blog de conseils apicoles sur Beehoo. Ses ouvrages actuellement disponibles : L'apiculture mois par mois - Le Rucher durable - Installer un premier rucher - Élever ses reines, trois méthodes simples. Il participe activement au Groupement d'action sanitaire apicole du Rhône (GASAR) qui assure la formation continue des apiculteurs du Rhône https://gasarhone.fr/ Jean Riondet est chevalier dans l'ordre du Mérite agricole

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