Aout 2011 Un drôle d’été

Après un temps estival en mai et juin qui nous a valu des récoltes exceptionnelles, ou des essaims pour ceux qui se sont fait piéger, la fraicheur et la pluie de juillet auront eu un effet curieux. Les colonies n’ont pas cessé de faire du couvain. Certaines colonies issues de lignées essaimeuses ou dotées de vieilles reines ont produit des celluels royales, les élevages de reines foireux en mai ont explosé en juillet. On se croirait en un petit printemps.

Tous les essaims artificiels faits depuis mai sont sur 5 cadres de couvain et 1 de miel, les réserves d’hiver sont encore à faire, mais la population est toujours en dynamique forte. La pluie de ces derniers jours avec la chaleur a fait exploser les floraisons des prés, le sucre de Metcalfa pruinosa dans les ronces et buissons est en train de perler, la renouée du japon commence sa floraison. Les colonies sont fortes en couvain, pas toujours en miel dans les corps. L’attention va se porter entre le nourrissement d’hiver et le maintien de la ponte de la reine.

Nourrir

Dès la dernière récolte qui aurait dû être faite ou qui le sera sous peu,compte tenu de l’état du couvain surabondant, on attaque les provisions d’hiver immédiatement. Nourrir par nourrisseurs entiers de sirop épais à 2/3 de sucre et 1/3 d’eau soit 5 k de sucre et 2,5 l d’eau. Donner jusqu’à 15 l de sirop par colonies. Elles empliront tout l’espace disponible, y compris le nid à couvain bloquant la ponte de la reine. Laisser reposer, vérifiez que les cadres se sont bien remplis sur toute leur hauteur, du moins le plus possible (2/3 sera un minimum). Retirez les cadre vides ou insuffisamment remplis (à moitié au mieux) puis vérifiez une semaine plus tard l’état de ponte de la reine. La concentration du nectar a du se produire de l’espace de ponte libéré. Si la ponte de la reine est restreinte sur un cadre, ajouter un cadre bâti à coté du cadre de couvain puis nourrir d’un litre de sirop léger à 50/50.
Je le rappelle une colonie bien pourvue en miel et en couvain fin septembres sur 5 cadres passe très bien l’hiver. Donc au delà c’est l’assurance d’une forte colonie de production en 2012 pour peu que la reine soit de 2011.

Attention, bien acheter des sucres de canne ou de betterave, bien raffinés, ils sont chers, les sucres bas prix sont des inversions d’amidon de blé ou de maïs et il reste encore de l’amidon dans le sucre qui est indigeste pour les abeilles et les fait vieillir prématurément. Ajouter 2cl / litre de sirop de vinaigre blanc d’alcool pour amener son acidité au niveau de celle du miel. On peut y ajouter 2cl / litre de sirop d’une décoction de propolis dans de l’alcool à 60°, il semblerait que cela ait un effet pour limiter les ravages de la nosémose.

Traiter contre varroa

Comme indiqué en juillet, le traitement contre varroa commence dès que possible sur les ruches de production (je traite contre varroa les essaims périodiquement durant la saison n’étant pas limité par la récolte du miel).

Au thymol pour faire baisser la pression de varroa le plus vite possible, mais c’est un traitement d’ambiance qui n’affecte que les varroas présents sur les abeilles. Or, en présence d’un couvain abondant les varroas sont essentiellement dans les cellules et passent peu de temps sur les abeilles qui viennent de naître et qui en sont couvertes. Les femelles varroas retournent au plus vite sur les larves que les abeilles nourrices (à partir de 4 jours d’âge) vont visiter, y déposant au passage leurs varroas.
Puis courant septembre il sera temps de mettre les lanières d’Apivar dans le nid à couvain comme indiqué en juillet. Le couvain ne disparaissant qu’en décembre il ne sera utile de les retirer que plus tard dans l’hiver.

Quelques questions

Mortalité de colonies : Nombreux sont ceux qui m’ont interpellé sur des problèmes de disparition de colonies après pourtant une belle récolte.
En l’absence d’une expertise sur site, de photos et d’explications supplémentaires, une situation assez classique est celle d’une infestation massive de varroas, la colonie ayant été trop parasitée en automne et les traitements insuffisamment efficaces, lorsque décline la ponte ou lors d’un arrêt de ponte, les varroas qui ne peuvent se réfugier dans les cellules envahissent toutes les abeilles qui meurent en masse. Il s’en suit un effondrement des colonies spectaculaire à ce moment là.
On peut observer une autre situation, sur les lavandes ou les plantes identiques produisant très peu de pollen, la carence protéinique engendre un arrêt de ponte et on observe alors le phénomène précédent. Les colonies ont beaucoup amassé, d’autant plus que le couvain n’étant plus à nourrir toute les ressources de la colonie sont consacrées à la collecte du nectar.
On ajoutera également que des essaimages peuvent se produire sur des colonies fortement infestées ce qui ajoute à la décroissance de la population.

Efficacité des traitements : Oui tous les traitements préconisés ici ou là, sur Internet en particulier, ne sont pas efficaces. Les cuisines personnelles sont généralement stupides et dangereuses. L’utilisation du fluvalinate en préparation perso est probablement source de mortalités d’abeilles, les lanières d’Amitraze fabriquées à partir du Taktic, même mélangé à de l’huile, perdent toute efficacité en 72 heures environ. Cette molécule est rapidement détruite par l’humidité.
Toute autre molécule de synthèse est interdite dans les ruches, j’attire l’attention sur l’usage de la Roténone, extrêmement dangereuse pour l’apiculteur. Les huiles essentielles ne sont pas sans risques pour les abeilles. C’est pour cela que les préparations pharmaceutiques, au delà du respect du cadre réglementaire, sont préférables aux soupes perso. Un article nous venant d’Espagne sur les mortalités massives d’abeilles, incrimine les concentrations trop fortes de produits chimiques pour lutter contre varroa dans les cires recyclées. Ce papier nous incite à la plus grande prudence quant à l’usage des médicaments pourtant indispensables.
Ayons une pratique apicole qui pousse le renouvellement annuel des cires, 3 par corps si possible.

Mais force est de constater que les lanières ne sont pas toujours efficaces, nous avons observé que selon les lots de fabrication dans un même rucher des ruches identiques présentent des taux résiduels de varroas très différents d’un lot à l’autre. C’est un problème bien connu des fabricants de plaquettes à diffusion lente pour lutter contre les mites, les moustiques, les mouches …
Donc en cas de mauvaises surprises on peut parfois incriminer une fabrication défectueuses. C’est très difficile à observer, néanmoins ces situations assez rares n’invalident pas pour autant les protocoles actuellement préconisés.
Notre expérience est que la combinaison d’un bon suivi alimentaire et d’une application rigoureuse du protocole anti-varroa décrit en juillet dernier nous permet une bonne survie des colonies l’hiver.

Intoxications : Une situation particulière d’intoxication nous a interpellé. Un apiculteur disposant de trois beaux ruchers constate une décroissance de ses populations dans l’un d’entre eux. Le couvain présente des signes de loque européenne, mais atypique.
Les traitements anti varroa sont les mêmes, les souches des reines sont les mêmes, les reines sont également jeunes… pas d’élément marquant permettant d’incriminer une pratique apicole différente, ou des différences significatives autres entre ces ruchers.
La seule chose qui a attiré notre attention fut un traitement herbicide quelques jours auparavant dans un champ de fruitiers. Or, nous étions en période de grande sécheresse, les abeilles peinaient à trouver de l’eau. Le collègue qui a fait l’expertise a émis l’hypothèse que soit elles avaient consommé l’eau de pulvérisation soit elles avaient consommé les perles d’eau de la guttation et ramené à la ruche cet insecticide systémique dont le mode d’action est le blocage de la multiplication cellulaire. Les bouillies nourricières faites avec cette eau contenant ce produit ont sans doute provoqué l’arrêt de la croissance des larves et donc leur mort. Il a été proposé à l’apiculteur d’aller chercher dans tous ses autres ruchers des cadres de couvain fermé et en bonne santé, après retrait des cadres de couvain malades, un cadre de couvain sain par colonie a été mis, un bon nourrissement au sirop durant 2 semaines, les colonies sont aujourd’hui toutes reparties et en bonne santé.
Est-ce la bonne analyse ? Nous ne le savons, mais la prescription fut efficace.

Jean RIONDET

jean.riondet@gmail.com

Auteur Jean Riondet

Apiculteur de longue date, Jean Riondet est un passionné qui aime apprendre et transmettre. Parallèlement à l’entretien de ses ruches, il enseigne l’apiculture depuis plus de 35 ans dans la région lyonnaise. Auteur d’un premier ouvrage, Un rucher dans mon jardin (Nathan, 1995), il rédige depuis l'an 2000 diverses rubriques d'abord dans la revue Abeilles et fleurs, puis dans la revue L'abeille de France. Il anime le blog de conseils apicoles sur Beehoo. Ses ouvrages actuellement disponibles : L'apiculture mois par mois - Le Rucher durable - Installer un premier rucher - Élever ses reines, trois méthodes simples. Il participe activement au Groupement d'action sanitaire apicole du Rhône (GASAR) qui assure la formation continue des apiculteurs du Rhône https://gasarhone.fr/ Jean Riondet est chevalier dans l'ordre du Mérite agricole

Laisser un commentaire

Apiculture