Principes généraux du nourrissement pour les abeilles

Seul le miel convient aux abeilles, c’est leur nourriture depuis de millions d’années, elles n’ont pas attendu nos connaissances en diététiques pour survivre en bonne santé.

Donc l’idéal est de les laisser accumuler leurs réserves au moment opportun, c’est à dire au temps des floraisons. C’est au printemps. C’est ce que faisaient nos ancêtres qui préconisaient dans les livres d’agriculture du début du 19° siècle de ne faire la récolte du miel qu’en mai pour prélever le solde de l’année précédente et un peu de la nouvelle miellée puis laisser les abeilles reconstituer leurs réserves au moment des fortes miellées.

Aujourd’hui nous souhaitons récolter un peu plus que 4 ou 5 kilos de miel par ruche et nous pillons leurs réserves d’avril à aout. De sorte qu’il ne reste guère de floraisons pour faire les réserves hivernales. L’apport artificiel de sucre devient une nécessité.

Mais il y a une autre raison, les colonies sont sous la prédation du varroa combinée aux néonicotinoïdes et autres phytosanitaires systémiques qui n’affectent pas les seules abeilles butineuses comme apr le passé avec le DDT par exemple, mais aussi le couvain. Les colonies sont affaiblies de manière chronique, ce qui favorise l’apparition de maladies peu connues ou inconnues jusqu’alors, maladies virales entre autres. Notre action sur la bonne alimentation de nos colonies augmente leurs capacités à se défendre seules contre les maladies. Les apports protéinés ont pour objet de compenser la prédation protéinique de varroa qui rend les abeilles nourrices mauvaises productrices de gelées nourricières et de cire, qui réduit leur durée de vie… Les néonicotinoïdes semblent favoriser le développement de certaines maladies, Nosema en particulier.

Si le miel reste la meilleure des nourritures pour les abeilles, nos apports ne seront pas en miel, sauf si nous sommes certains que le miel que nous leur apportons est indemne de germes de loques en particulier. Or, cette certitude nous ne l’avons jamais et les traitements que nous ferions subir au miel pour le rendre stérile en détruirait les composants intéressants. Seul le sucre est la nourriture que nous apporterons sauf cas particulier où l’apport de miel es fait de manière ponctuelle sur des colonies spécifiques, notamment pour l’élevage des reines. Le danger porte sur la distribution générale d’un miel contaminé.

Autres apports : les compléments protéinés. Nous n’apporterons jamais la qualité, du fait de leur diversité, des protéines aussi riches que celles des pollens. Les succédanés utilisés le seront à des moments précis en attente de l’arrivée massive des pollens floraux printaniers, ou en fin de saison pour accroître ou maintenir la ponte de la reine et la production d’abeilles d’hiver bien pourvues en corps gras, leur réserve majeur de protéines.

Mai nous apporterons également des compléments alimentaires de type oligo-éléments, vitamines… pour renforcer l’état général des abeilles, ou pour améliorer leur flore intestinale, notamment pour réduire le volume des spores de Nosema qui se développent dans la paroi intestinale au moment d’une blessure permettant à ces spores d’y pénétrer. Blessures provoquées par des néonicotinoïdes en particulier selon les travaux de recherche effectués à l’INRA et au CNRS par les équipes d’Yves le Conte en particulier. La reproduction de Nosema dans la paroi intestinale de l’abeille favorise sa mort.

Aujourd’hui aucun de ces facteurs ne semble à soi seul explicatif, mais leur combinaison depuis l’arrivée des néonicotinoïdes semble être l’élément principal des mortalités hivernales depuis près de 20 ans. Bien d’autres facteurs peuvent être évoqués comme les produits de traitement contre varroa, ce qu’une étude espagnole aurait montré, ainsi que l’usage des antibiotiques qui bloquent les protéines qui évacuent les produits chimiques étrangers à l’organisme des abeilles selon une étude américaine publiée sur Plos One.
Tout cela pour insister sur l’importance du nourrissement, au delà des bonnes pratiques en matière d’usage des médicaments et de choix des lieux d’implantation des ruchers. C’est une réponse importante au niveau de l’apiculteur de base pour contrecarrer les effets délétères de l’environnement actuel.

Les produits utilisés : sucres

Le sucre : Seul le glucose ou le fructose seraient les mieux adaptés pour les abeilles car ce sont des sucres simples (glucides monosaccharides)d’assimilation directe,mais dans le commerce ont trouve aisément du saccharose pur, issu du sucre de betterave ou de canne. La salive des abeilles contient des enzymes qui hydrolysent les sucres des nectars composé aussi de saccharose comme le sirop qu’on leur apporte. Ainsi transformés par ces enzymes, ils deviennent des monosaccharides directement assimilables par leur organisme. Les sucres pas chers sont des transformation enzymatique d’amidon de blé ou de maïs et si la réaction est conduite à sont terme, il en ressort du glucose exclusivement. Ces sirops peuvent convenir parfaitement dès lors que leur pureté est assurée. S’ils contiennent des sucres complexes incompatibles avec les enzymes dont disposent les abeilles pour les transformer (amidon ou lactose par exemple) ils sont indigestes, encombrent l’intestin des abeilles ce qui leur provoque des diarrhées.

L’intérêt des sucres issus de la transformation de l’amidon est que le glucose qui en résulte peut être à très haute concentration, (supérieur à 70% en général) sans cristalliser dans les nourrisseurs comme le fait le saccharose dès que sa concentration dépasse 66%. Si l’on peut trouver de tels sucres, du point de vue économique leur usage est très rentable compte tenu de la flambée actuelle du cours du sucre sur le marché mondial et des engagements européens de s’approvisionner pour 15% de nos besoins auprès de pays producteurs comme le Brésil qui, aujourd’hui, ne peuvent plus nous fournir ayant fait le choix de développer les biocarburants…

Le sirop de stimulation (pour faire pondre la reine) ne devra pas dépasser 50% de sucre. Le nectar contient aux alentours de 20%, voire 30% tout au plus, de sucres (glucose, fructose, saccharose). Donné par petites quantités (1/2 l à 1 litre) tous les jours ou 2 ou 3 fois par semaine, il simule une miellée, les abeilles qui le prennent le redistribuent à toutes. Cet échange généralisé sur la durée entretient un niveau élevé d’alimentation qui provoque en abondance la production de gelée royale et de gelée nourricières, la reine ainsi nourrie se met à pondre… et les cirières à cirer. Le volume donné doit correspondre au volume consommé quotidiennement par la colonie de façon à ce qu’il soit peu ou pas du tout stocké.

Le sirop concentré, donné en grande quantité à chaque apport, provoque l’amassage car la colonie sera rapidement saturée du point de vue alimentaire. L’abondance dépasse la capacité de consommation des abeilles qui mettront le sirop partout où des cellules seront libres ou libérées, engendrant de ce fait une impossibilité pour la reine de pondre puisque du sirop se trouve là où du couvain naissant libérait des cellules.

Chacune des concentrations de sirop correspond donc à un objectif bien précis.

Le sirop sera donné à des températures externes excédant 15°c, s’il est trop froid les abeilles ne peuvent le prendre. Pour cela, les cadres nourrisseurs à la température de la ruche, permettent tôt en saison de l’utiliser pour stimuler la ponte de la reine. Le candi ou le sucre en morceaux seront la manière hivernale d’apporter de la nourriture aux colonies.

Les protéines : protéines pour les abeilles

Ce seront des protéine d’origine végétale, comme la levure de bière lyophilisée que nous consommons habituellement et disponible en épicerie ou de la farine de soja déshuilée que l’on trouve chez les revendeurs de matériels apicoles. Ajoutées en proportion de 3 à 5 % dans les sirops, bien mixées pour disperser ces produits dans le sirop (ils sont insolubles ou très peu solubles), ces protéines sont des compléments de qualité.

Les vitamines et oligo-éléments : des vitamines pour abeilles

Ces produits seront apportés par l’intermédiaire des spécialités du commerce. Les prix sont très variables, certains apportent en outre des protéines. Je n’ai pas de point de repère pour savoir quel serait le hit parade des meilleurs rapports qualité /prix de ces produits tant l’information sur leur contenu et leur mode d’action est pauvre.Toutefois, ceux qui savent reconnaître les plantes, les préparer pour en faire des décoctions, utiliseront des formules à base de plantes permettant de réaliser ces apports. La levure de bière en apporte également. D’une manière générale, les résultats sur les colonies sont très convaincants.

Le vinaigre : lutte nosémose abeilles

Classiquement utilisé pour lutter conter la Nosémose, il est donné dans la proportion de 5%. Certains doublent cette quantité pour assurer une très forte action contre la Nosémose. Vinaigre blanc ou acide acétique, certains préconisent d’utiliser du vinaigre de cidre qui apporterait du potassium. Je n’ai pas trouvé de données certaines en la matière, j’ai aussi utilisé et je le fais encore une décoction de propolis à saturation dans de l’alcool à 60 ou 70° et j’en donne 5 cl par litre de sirop.

Quand nourrir les abeilles ? Hivernage des abeilles.

Les réserves d’hiver sont à démarrer la récolte faite. Au même moment que les traitements anti varroa. La qualité de l’hivernage dépend de la qualité du nourrissement et de la qualité de la lutte contre varroa. A ce propos, on sous estime l’importance des pollens stockés aussi bien sur la nécessité d’en avoir pour la reprise de la ponte de la reine en cours d’hiver, que sur les risques associés au stockage printanier de pollens contaminés par des insecticides, des pesticides ou des fongicides. Leur absence n’est pas dramatique si les apports protéinés sont conséquents notamment dans les candis donnés à partir de janvier.

Pour ma part, n’étant pas à la recherche de récoltes digne du Guiness des records, je fais la dernière récolte au milieu de la miellée du tournesol de manière à profiter de cette miellée pour remplir les corps de miel.

On jonglera entre sirop concentré et sirop léger pour garder la proportion indiquée le mois précédent entre surface de couvain, 1/3 environ, et surface de miel, 2/3 environ.

Il es impératif de cesser les nourrissements mi septembre de manière à ce que disparaissent les abeilles ayant opéré le stockage, ce sont des abeilles vieillies, pour laisser se développer les abeilles « d’intérieur  » qui passeront la morte saison et dont les corps gras permettant la préservation de leurs glandes hypopharyngiennes leur feront redémarrer la colonie lorsque les jours s’allongent significativement. Si l’on souhaite faire des miellats, il faut considérer que la survie de ces colonies qui seront exploitées tard en saison, peut être mise en cause par des nourrissements trop tardifs.

Les protéines seront peu distribuées dans les sirops d’été, sauf pour des élevages de reines effectués tardivement. Ils seront principalement faits en début de saison pour booster les colonies, aujourd’hui on devrait avoir les pollens ad hoc, le lierre en particulier. Par contre les autres compléments sont nécessaires.

Comment nourrir : sirop abeilles, provisions miel abeilles

Comme indiqué par petites doses pour stimule avec un sirop léger, par nourrisseurs entiers pour le sirops concentré de stockage. Le stockage doit se faire sur toute la hauteur des cadres, la situation la pire serait celle où tous les cadres auraient 10 cm de miel à leur sommet, un coup de froid durable et une petite grappe mourra de faim dans un coin de la ruche alors que du miel se trouve à l’opposé. Fin aout, il faut toujours réduire le volume des ruches par des partitions en enlevant les cadres vides ou peu remplis de sorte que le nourrissement permette de bien remplir les autres.

Une ruche réduite à 5 cadres bien pleins de miel et de couvain passe parfaitement l’hiver.

Les nourrisseurs conviennent tous, sauf les nourrisseurs d’entrée, peu à l’honneur car source de pillage. Leur taille limitera ou augmentera le nombre des passages pour les remplir.

Le plus important est leur étanchéité pour éviter le pillage, on est en période de famine et les colonies sont populeuses. Les abeilles ont faim et cherchent pitance.

Les nourrisseurs couvre cadre, sont à haut risque, un toit un peu voilé et la noyade des abeilles venues de l’extérieur sera assurée. On évite cet accident en mettant une bâche à talus qui, coincée par le toit, assure l’étanchéité requise. La réduction des entrées est aussi une manière de limiter le pillage et surtout nourrir le soir. Le sirop sera bu dans la nuit alors que les pillardes sont chez elles.

Bonne fin d’été.

Jean Riondet

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    Article rédigé en août 2012.