Avril 2010 En avril ne te découvre pas d’un fil et pourtant …

Et pourtant c’est le mois des premiers essaims. Les colonies vont se développer rapidement sous l’influence des floraisons surabondantes. les amandiers, les pêchers, les pruniers, puis les pommiers, poiriers et entre tous le colza. Tous les fruitiers d’une même espèce ne fleurissent pas en même temps, certaines stérilités sont dues à l’absence de pollinisateurs au même moment. J’ai observé le phénomène avec un pommier « nationale » entouré d’autres pommiers dans un verger / rucher qui n’a eu de mise à fruit régulière et importante qu’au moment où fut planté un autre pommier à floraison tardive un « fer ». Les abeilles étaient bien là mais pas le pollen ad hoc !

Avril et mai sont les mois des grandes récoltes de nectar hormis les cultures industrielles tardives comme le tournesol et les arbres mellifères comme le tilleul et le châtaignier. Autrefois la récolte du miel se faisait mi mai, certes on récoltait peu, on laissait la nature suivre son cours ne sachant la contrecarrer par des apports de sucre que l’on n’avait pas. Les colonies avaient les floraisons suivantes pour préparer leurs réserves d’hiver.

Notre apiculture productiviste nous conduit à forcer les colonies à se développer avant l’heure et à récolter tard en saison. D’où quelques déconvenues dans un environnement devenu défavorable aux insectes.

Contrer varroa


Suivre le développement des colonies et mettre au ras du nid à couvain dès l’apparition des premières cellules de bourdons pondues (ce qui est déjà engagé en principe) deux cadres de hausse bâtis au ras du nid à couvain. Pourquoi ces cadres de hausses bâtis ?
La femelle varroa possède une prédilection pour les phéromones de bourdons et va s’y reproduire facilement. Donc en mettant deux cadres de hausse on provoque une construction sous ces cadres qui sera naturelle, sans guide de la cire gaufrée et ce seront essentiellement des cellules de bourdons.
Une fois pondus et operculés, ces rayons surnuméraires seront retirés et détruits. On fait ainsi baisser fortement la présence de varroas dans la colonie. L’idéal serait de faire bâtir et pondre deux rayons complets de cire à mâles. Mais c’est généralement impossible la même année, leur construction arrive trop tard, ils ne seront utilisables que l’année prochaine. Des apiculteurs lyonnais m’ont proposé cette solutions que je trouve particulièrement opérationnelle. Ajouter des punaises sur la tête de ces cadres de hausse permet de les repérer facilement dans la ruche.

Les cadres bâtis ont l’avantage, si la colonie ne peut construire, de ne pas bloquer la progression de la ponte de la reine qui serait arrêtée par la paroi froide d’une cire gaufrée. Ces cadres bâtis s’ils ne sont construits en dessous manifeste l’incapacité de la colonie à le faire. C’est un bon indicateur des leur force et d e l’opportunité ou non d’ajouter des cires ou au contraire de bien laisser au plus près du nid à couvain des cadres bâtis. On ne perturbe pas la ponte de la reine, et les cadres bâtis voisins pourront à leur tour accueillir la reine. Si les rayons sous les cadres de hausse sont rapidement bâtis, il sera temps de mettre à leur coté les cires pour faire bâtir de nouveaux rayons.

Lors du retrait de ces cadres pondus et operculés, une fois le rayon de bourdons détruit, on réunit ces cadres sans leurs abeilles et issus de toutes les ruches dans des hausses que l’on pose sur des colonies à renforcer. Cet apport de couvain est souvent bénéfique. Sauf en cas de loque ! Soyez prudents.

Nourrir encore ?

Soyons clairs, une bonne conduite des colonies se fait sans nourrissement spéculatif. Mais l’exception étant la règle, on nourrit bien sûr si on veut provoquer l’essaimage, préparer des colonies pour l’élevage des reines, si les colonies trop petites ne peuvent se développer du fait d’apports de pollen et de sirop insuffisant, si ce sont des essaims artificiels que l’on veut voir sur 5 cadres en septembre….

Mais de toute façon le nourrissement doit être fait avec parcimonie, à bon escient, au bon moment… autant dire que cela s’apprend à l’expérience et non dans les livres sauf pour retenir les principes suivants :

– Parcimonie veut dire que l’on ne donne pas de grosses quantités vu que les floraisons apportent ce qu’il faut en principe.

– A bon escient veut dire que l’on aille pas à contre courant de ce qu’apporte la nature. On n’apporte pas de sirop (=nectar) si les pollens sont inexistants car le déséquilibre alimentaire sucre/protéine engendre des abeilles insuffisamment riches en corps gras et de ce fait moins capables de produire de la gelée royale, moins résistantes aux maladies et dont la durée de vie est plus courte. Autant dire que produire une surabondance d’abeilles carencées n’a pas de sens voire se révèle contre-productif.

– Au bon moment : c’est à dire lorsque les abeilles apportent du pollen au trou de vol. Tôt en saison faire un ou deux apports en petite quantité stimule. Apporter régulièrement c’est viser de pouvoir faire des essaims artificiels tôt en saison et préparer les éleveuses. Apporter des sirops protéinés (1% de levure de bière lyophilisée et mixée avec le sirop) et cesser en cas de manque de pollen. Apporter au moment des famines. Par exemple avoir boosté ses colonies en mars et les laisser crever de faim sur les périodes froides d’avril est un contre sens. Certaines races comme les Buckfast, qui font beaucoup de couvain, meurent facilement de faim en période de disette.

En l’absence de savoir faire, se contenter de griffer les cadres pour mettre le miel à nu, le faire sur les cadres du centre une fois par semaine au rythme d’un cadre ou l’équivalent. C’est une excellente stimulation qui risque tout de même de conduire à l’essaimage, qui risque de vider la colonie de ses provision à des moments où les sautes d’humeur du temps peuvent les affamer.
On peut aussi tout simplement faire faire 1/2 tour aux corps sur le plateau de sol, l’entrée restant dans la même orientation. La disposition classique des cadres où le couvain se trouve coté entrée et le miel à l’arrière conduit les abeilles à déménager le miel, mis ainsi sur l’avant des cadres par rapport au trou de vol, vers l’arrière. Ce mouvement produit une surconsommation de miel au passage et booste la ponte de la reine. Mais aussi le risque est de vider la colonie de ses réserves et de provoquer la famine au mauvais moment.

Les maladies

C’est l’époque de l’apparition claire des maladies du couvain en particulier. Les loques sont à surveiller. Toute suspicion doit faire l’objet d’une interpellation du technicien sanitaire apicole pour prendre les mesures nécessaires. Le transvasement sur les colonies fortes sera possible jusqu’en juin, passé ce mois, la destruction pure et simple par étouffement à la mèche soufrée un soir sera las seule solution.

Le transvasement est un essaim nu qui ne pourra reconstruire l’intégralité ses rayons dont il a besoin que s’il possède des nourrices en nombre. Dans cette opération le nourrissement sera nécessaire de manière quasi continue après les 48 h de jeûne imposés à la nouvelle colonie. Nourrir est indispensable car « pour que ça cire faut que ça miele! »

Les essaims artificiels principes :

– Les essaims artificiels se feront entre avril, mai et juin.
– Ils devront avoir atteint un bon développement sur 5 cadres en octobre pour pouvoir passer l’hiver. Ce qui veut dire très précisément que jusqu’en mai un essaim est fabriqué en prenant 2 cadres de couvain operculé, en juin 3 cadres de couvain operculé et en juillet avec 4 cadres de couvain operculé.

La littérature donne de multiples méthodes d’essaimage artificiel que l’on peut regrouper en 3 catégories :

– avec l’apparition de cellules royales éviter de perdre les essaims naturels à venir

– saigner des ruches trop populeuses à risque d’essaimage

– fabriquer des essaims pour agrandir son rucher.

1 – Pierre Jean-Prost décrit dans son ouvrage la méthode de l’éventail pour utiliser les cellules de reines « naturelles ».

Constituer autant de ruchettes que de cadres possédant des cellules royales operculées. Prendre si besoin des cadres de couvain fermés ailleurs. Faire des essaims avec deux cadres de couvain et un cadre de miel, des cadres bâtis et mettre les ruchettes en éventail à la place de la souche, éloigner du rucher la ruchette contenant la reine. On fait au mieux 4 ruchettes orphelines avec des cellules de reine. Les butineuses se répartiront entre les ruchettes, intervertir les ruchettes entre elles si certaines recevaient plus de butineuse de manière à équilibrer au mieux les populations. Trois semaines après ouvrir, rechercher les reines, les marquer.

2 – Saigner une colonie trop populeuse : on la vide de ses nourrices. Pour cela on met dans une ruchette un cadre de couvain ouvert avec de très jeunes larves et des œufs, un cadre de couvain fermé et toutes leurs abeilles.
On prend dans deux autres colonies puissantes un cadre de couvain fermé sans abeilles, un cadre de miel et on ajoute des cadres cirés. On secoue sur la ruchette tous les cadres de couvain de la ruche à saigner en ayant pris soin de bien pulvériser d’eau les abeilles pour limiter leur envol.
On peut le faire dans un grand toit en tôle pour faciliter l’opération.

Cette ruchette sera immédiatement éloignée dans un rucher à 3 km ou mise deux nuits en cave avant le retour au rucher.

Cette ruchette sera examinée trois semaines plus tard, des cellules royales devront être visibles, une belle population présente et peut être déjà du couvain frais signe de la ponte de la reine, la chercher, la marquer. En l’absence de couvain frais, attendre une semaine, si trois semaines après toujours pas de couvain frais, réunir, la reine est absente, n’est pas fécondée correctement, s’est fait manger en vol…

3 – Faire des essaims : mettre dans une ruchette 1 cadres de couvain fermé et un cadre de couvain ouvert contenant des œufs, 1 cadre de miel. Les prendre avec toutes les abeilles dessus, en ajouter issues de cadres de couvain si besoin de la ou des ruches disponibles, parfumer tout ce petit monde pour brouiller les odeurs, puis opérer comme précédemment.

On gagne deux semaines sur le développement des colonies en mettant des cellules royales prêtes à naître.

On nourrit constamment mais sans excès car les butineuses ne sont pas nombreuses.

Toute fécondation ratée doit donner lieu à réunion pour ne pas perdre les abeilles orphelines et renforcer les autres essaims.

Opérer par belle journée et en pleine miellée, les bagarres sont moins fréquentes et les apports de pollen sont importants pour la qualité des reines à naître.

Il est sage de fabriquer autant d’essaims artificiels que de ruches de production pour opérer des réunions en mars 2011 et renouveler les reines pour la production 2011.

Jean Riondet

Auteur Jean Riondet

Apiculteur de longue date, Jean Riondet est un passionné qui aime apprendre et transmettre. Parallèlement à l’entretien de ses ruches, il enseigne l’apiculture depuis plus de 35 ans dans la région lyonnaise. Auteur d’un premier ouvrage, Un rucher dans mon jardin (Nathan, 1995), il rédige depuis l'an 2000 diverses rubriques d'abord dans la revue Abeilles et fleurs, puis dans la revue L'abeille de France. Il anime le blog de conseils apicoles sur Beehoo. Ses ouvrages actuellement disponibles : L'apiculture mois par mois - Le Rucher durable - Installer un premier rucher - Élever ses reines, trois méthodes simples. Il participe activement au Groupement d'action sanitaire apicole du Rhône (GASAR) qui assure la formation continue des apiculteurs du Rhône https://gasarhone.fr/ Jean Riondet est chevalier dans l'ordre du Mérite agricole

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