Bonne Année 2020 !

C’est un peu convenu mais convenable que de se souhaiter la bonne année.

C’est une tradition qui autorise que l’on se manifeste collectivement un peu d’humanité.

Alors profitons de ce moment et souhaitons à ceux qui sont dans la difficulté, la souffrance, l’inquiétude de découvrir le bonheur de pouvoir profiter de chacune des rencontres et bons moments qui se présentent.

Mais peut être qu’en apiculture l’année 2020 sera bonne nous verrons en mars si nos colonies sont encore en vie, à partir de cette première visite nous pourrons espérer en l’avenir.

Que retenir de l’année 2019 ?

Coté apiculture nous avons été comme les agriculteurs plus ou moins bien servis selon les lieux. Les floraisons de printemps auront démarré en fanfare et les récoltes s’annonçaient bien puis vinrent pluie, froid, vent et toutes les belles fleurs furent ramassées, les fruits aussi !

Chez nous les colza furent moches.

Les colonies ont souffert de ce temps et s’adaptèrent. Les populations se sont réduites en proportion du volume de nourriture disponible. C’est la loi de cet insecte. Mais cette régulation naturelle ne convient pas à l’apiculteur qui doit préparer ses colonies pour les récoltes d’été en poussant la ponte des reines fin mai / juin.

Ceux qui le firent nourrirent à mort. C’est-à-dire qu’ils apportèrent au moins 5 k de matière sèche à chacune de leurs ruches pour maintenir la ponte et assurer le chauffage nécessaire à la population et au couvain en reproduction. Autant de sucre, du jamais vu ! Il faut en effet 34,5° dans le couvain pour une nymphose réussie soit 15 à 20°c au dessus de la température ambiante que l’on connut en mai et une partie de juin. Le vent empêchait les abeilles de sortir, il desséchait les fleurs… les abeilles avaient faim certaines colonies trop puissante pour le peu de réserves sont mortes de faim.

famine mort de faim tete dans alveole_DSC_7658Abeilles affamées dans un rayon

abeilles mortes ruche morte mortalité famine_DSC_3787abeilles mortes au pied d’une ruchette

Cette dépense énergétique pour chauffer est considérable si on regarde la taille de l’insecte. Il semble acquis que cette température élevée pour la nymphose serait l’adaptation de l’abeille à son lieu d’apparition c’est-à-dire l’Afrique tropicale.

Sous nos latitudes elle doit s’épuiser à collecter du nectar des fleurs pour en faire du miel forme de stockage de ce fragile nectar, et le consommer en périodes creuses pour chauffer. Jürgen Tautz dans son ouvrage « L’étonnante abeille » (p215) rappelle qu’une colonie collecte jusqu’à 300 k de miel/an dont l’essentiel est consacré au chauffage. « La consommation de miel est énormément élevée. Le miel ne sert pas de nourriture, au sens classique du terme, c’est à dire à maintenir les fonctions vitales des abeilles, mais il est plutôt utilisé en majeure partie pour produire de la chaleur pour le nid à couvain en été et pour réchauffer la grappe d’abeilles durant la saison, froide. Les importantes réserves de miel d’une colonie ne sont donc pas des aliments au sens usuel, puisque le miel sert surtout de combustible. » … La part réservée à l’apiculteur est de ce fait réduite, s’il est trop gourmand certes il affame ses bêtes mais surtout il obère les capacités de chauffage du couvain et de ce fait son extension.

Des fleurs il en faut près de 5 millions pour produire 1 k de miel ! Ces fleurs ont manqué en masse au printemps. Celui-ci passé, l’été fut caniculaire les fleurs furent sèches de nectar sauf là où les nuits étaient fraiches, dans les zones de montagne, là où la pluie et l’humidité résiduelle furent présentes, alors les récoltes d’été furent conséquentes.

Le nord, l’Est de la France, la Belgique connurent des récoltes acceptables voire parfois exceptionnelles du fait d’une chaleur favorisant les fleurs là où l’eau était présente.

Traitements et nourrissements trop tardifs

Dans les zones caniculaires les colonies ont souffert. Trop d’apiculteurs ayant récolté tardivement en septembre et ayant voulu faire des essaims artificiels à défaut de faire du miel ont épuisé leurs colonies par des nourrissements tardifs. La fin de saison avec des apports de sirop jusqu’en octobre et des traitements contre varroa trop tardifs également ont fragilisé les populations d’abeilles.

Pas assez de jeunes abeilles pour passer l’hiver, des abeilles vieillies prématurément par de apports de sirops inappropriés et la morte saison arrive. Les colonies sont peuplées de vieilles abeilles dont la durée de vie n’a pas excédé 2 mois. Fin décembre on comptait déjà les cadavres.

Ajoutons une petite louche d’embierne de plus, la tempête de décembre.  Malgré des sangles et des poids sur les toits, des ruches ont été mises à terre, des colonies furent frigorifiées et décimées.

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Ceux qui respectèrent les règles des bonnes pratiques apicoles ont fortement traité contre varroa, très présent cette année, nourri copieusement en juillet et aout, surveillé la ponte de la reine pour avoir de beaux couvains en octobre et ont resserré leurs colonies enlevant les cadres vides ou pas assez pleins. L’hivernage se présente bien

Leur récolte de miel ? A peine quelques kilos par ruche. Une misère mais si 2020 est d’une météo favorable, les colonies hivernées en bonne santé seront de belles productrices de miel.

C’est la réalité de l’apiculture. L’année apicole commence en mai de l’année précédente et ce sera la qualité des populations élevées l’année 2019 qui feront la qualité et la quantité des productions de miel en 2020 si le temps le permet. Il est illusoire d’acheter des essaims en mars pour espérer faire de récoltes  dans les mois suivants. On achète rarement des bombes ou alors ce sont des importations à risque car certains fournisseurs se servent dans des pays infestés par Aehina tumida. Sans doute dans des zones indemnes mais qui dit qu’elles ne seront infestées un jour et que nous le serons par la suite ? Nul système de prévention, de surveillance et de contrôle n’est sans faille.

L’apiculture est une branche pauvre de l’agriculture (dixit les rapports de la DGAL) qui n’a jamais su ou pu s’industrialiser et se prémunir contre les aléas du temps. L’insecte ne se laisse pas domestiquer, il reste sauvage. Il est tout à la fois du monde animal et du monde végétal.

Cette année davantage de sucre aura été donné aux abeilles pour leur stricte survie que de miel ramassé. 2018 fut exceptionnellement mielleuse, les transhumants ont réalisé jusqu’à 100 k à la ruche. Ce fut 10 fois moins cette année.

Côté connaissances :

A défaut de faire du miel on aura pu faire de la bibliographie. 2019 fut une année riche en connaissances nouvelles.

En février fut publié dans la revue « Entomology To Day » un article de Samuel RAMSEY jeune chercheur qui démontre que le varroa ne se nourrit pas de l’hémolymphe des abeilles comme nous le croyions mais de leurs corps gras. Prédations mortelle, tant ces corps gras sont indispensables à la bonne santé de l’abeille, à sa longévité, à ses capacités cirières et nourricières.

Varroa USDA_Freeze Fracture Bee & Mite PNAS cover Photo 2019Varroa sous anneaux de l’abdomen de Gary R.
Bauchan, Ph.D. Director. USDA ARS. Electron &
Confocal Microscopy Unit Beltsville MD USA

Cette recherche, pour nous praticiens de l’apiculture, nous rappelle l’énorme importance de la lutte contre varroa, première parmi les causes de disparition des abeilles et la seule contre laquelle nous pouvons vraiment être efficaces et tous acteurs.

En juillet autre travail remarquable en provenance de Chine, publié dans Current Biology sous la plume de Zhi Jiang Zeng et ses collègues. Ils démontrent qu’il y a un effet maternel sur la production des reines.

On pensait que seule la différenciation de l’alimentation orientait l’expression génétique de la sexualité vers une femelle stérile, l’ouvrière, ou vers une femelle féconde, la reine.

Ces chercheurs montrent que pour produire de futures reines, les reines pondent des œufs plus gros, plus longs, plus larges que les œufs d’ouvrières. Les reines qui en sont issues sont plus lourdes, possèdent davantage d’ovarioles, sont plus riches en hormones juvéniles et en protéines qui influent sur la longévité et les défenses immunitaires…

Pour nous, praticiens de base, cette recherche nous intéresse car si les reines issus de ces œufs faits pour produire des reines sont plus fécondes plus résistantes etc. comment pouvons nous les produire ?

Actuellement nous transférons dans une cellule royale en plastique une larve de 2 jours de développement issue d’une reine sélectionnée. Nous la faisons élever par des colonies orphelines c’est-à-dire sans reine. Si l’on suit le raisonnement de ces chercheurs, notre production de reines d’élevage est de médiocre qualité, or nous élevons pour réaliser des sélections, améliorer la qualité des nos ruchers etc. Nous somme des éleveurs.

Or, si les reines issues d’œufs « royaux » ont des prolificités et des longévités supérieures, la question se pose de savoir comment nous pourrions faire produire ces œufs. Les chercheurs ne nous ont pas encore donné d’informations suffisantes pour savoir comment faire. Il semblerait que l’élevage à partir du transfert d’œufs et non de larves serait déjà un pas importants pour aller dans le sens de leurs observations.

2 Oeuf venant d'etre pondu DSC_0833Oeuf d’un jour pondu dans le système Jenter

Grâce à ce travail nous savons donc que nous devrons probablement revoir nos techniques d’élevage de reines car produire des reines est un des éléments clefs pour l’efficacité de nos pratiques apicoles.

Enfin en septembre sur le site « The Conversation.com » Mitchell Derek, chercheur à l’université de Leeds (UK) physicien qui cherche quelles solutions ont adoptées les insectes pour améliorer l’isolation de leurs habitations, publie un travail sur les troncs d’arbres creux comme habitacles naturels des abeilles. Il montre que la température élevée qui y règne et l’humidité à saturation qui s’y trouve, offrent aux abeilles une situation de choix et d’autant plus que dans ces conditions varroa s’y développe mal.

Il observe que les ruches imaginées depuis le 19° siècle sont inappropriées pour la bonne régulation thermique des colonies et favorisent le développement de varroa. Il encourage les apiculteurs à développer des stratégies de sur-isolation des ruches. C’est un travail d’expérimentation à l’œuvre depuis plusieurs années au sein de notre groupement.

 

Que faire au rucher ?

Surveiller le poids des ruches; en dessous de 17 k en pesée arrière pour une Dadant 10c avec un toit plat en tôle apporter un pain de candi posé sur la tête des cadres, recouvert d’un isolant réfléchissant ou d’une bâche à bulles et le couvre cade posé à l’envers.

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candi posé sur la tète des cadres

Cette opération dure quelques secondes, les colonies même par temps froid n’en sont pas incommodées.Précaution, apporter des pains de candi un peu secs et tièdes. Mous ils provoqueront du stockage.

On peut apporter 1 k de sucre en morceaux. D’une granulation plus grosse que le candi on en retrouvera une petite partie sur le plateau de sol si l’humidité de la ruche ne suffit à en ramollir les cristaux. Le carton découpé sur une partie et cette face contre la tête des cadres les colonies seront bien alimentées.

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couverture de survie sur la tête des cadres

Poursuivre l’entretien contre ronces et orties, laisser les herbes folles et plantules en tous genres elles sont mellifères à souhait.

 

Auteur Jean Riondet

Apiculteur de longue date, Jean Riondet est un passionné qui aime apprendre et transmettre. Parallèlement à l’entretien de ses ruches, il enseigne l’apiculture depuis plus de 35 ans dans la région lyonnaise. Auteur d’un premier ouvrage, Un rucher dans mon jardin (Nathan, 1995), il rédige depuis l'an 2000 diverses rubriques d'abord dans la revue Abeilles et fleurs, puis dans la revue L'abeille de France. Il anime le blog de conseils apicoles sur Beehoo. Ses ouvrages actuellement disponibles : L'apiculture mois par mois - Le Rucher durable - Installer un premier rucher - Élever ses reines, trois méthodes simples. Il participe activement au Groupement d'action sanitaire apicole du Rhône (GASAR) qui assure la formation continue des apiculteurs du Rhône https://gasarhone.fr/ Jean Riondet est chevalier dans l'ordre du Mérite agricole

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