Février 2011 – Un mois froid, un mois à risque

C’est le mois le plus court, mais le plus mauvais disait l’abbé Germain, chroniqueur mensuel de la revue Abeilles et fleurs dans les années 1980. C’est un mois à risque pour les colonies.

Un mois à risque

Oui le froid est là, intense, les abeilles sont pas souvent sorties depuis décembre. Leur nombre s’amenuise par mortalité naturelle, les réserves commencent à s’apauvrir sérieusement chez celles qui en étaient peu fournies.

Certains m’ont demandé pourquoi j’ai préconisé de nourrir au candi protéiné dès janvier alors que Jos Guth critique cette habitude, bien française selon lui, de nourrir au candi.
Deux raisons me poussent à faire ainsi.

1 – Je suis dans une région où la miellée de colza est importante, donc mi-avril il me faut des colonies en plein développement pour avoir des butineuses en nombre et récolter. La mielllée suivante, l’acacia, est précoce, la première semaine de mai, au moment des saints de glace. Elle tombe donc sur une période de froid qui rend cette miellée normalement abondante, finalement aléatoire.
Je note dans mon carnet qu’une vraie récolte d’acacia se produit une année sur dix ! Ce n’est pas parce que nous venons de connaître deux année succesives de récoltes fortes d’acacia qu’il en sera toujours ainsi. Je crains que le changement climatique n’affectera mon coin que le jour où l’on récoltera des dattes sur les champs Elysées !

Donc en nourrissant tôt on prépare le moment où l’on pourra stimuler efficacement les colonies. C’est à dire 40 jours avant la mi-avril.

2 – Les combinaisons de facteurs qui influent sur la durée de vie des colonies (pesticides en particulier qui, perforant leur membranne intestinale, rendent les abeilles ultra sensibles aux maladies dont la Nosémose) pourraient bien avoir fait passer la durée de vie hivernale des abeilles dans les colonies, de 170 jours comme indiqués dans la litttérature des années 1990 à 110 jours maintenant. Perdre deux mois c’est voir naturellement disparaître les colonies en février ou en mars.

Il est donc urgent de relancer la ponte de la reine dès que possible en janvier. Après le salutaire blocage de ponte par le froid qui nous permet de réduire la pression du varroa et de traiter en hiver pour les adeptes de l’acide oxalique, il faut renouveller au plus tôt la colonie pour disposer de nourrices en nombre dès fin février. Or seul le candi protéiné et enrichi en miel assure cette reprise de la ponte.

Je conçois bien, si l’on a des colonies très peu parasitées et moins sous pression des pesticides que nous, que le renourvellement tôt en hiver des colonies par une relance temporaire de la ponte de la reine soit peu utile, surtout si l’on ne récolte que sur des miellées tardives. Or, pour mon compte, passé l’acacia de début mai il n’y a plus rien jusqu’à fin juin. Arrivent alors le tilleul, le châtaigner puis le tournesol. Encore faut-il avoir à ce moment là des abeilles et de l’humidité. Puis c’est fini.
On comprend que le Colza soit une ressource alimentaire que je souhaite récolter et pas seulement m’en servir pour le démarrage des colonies.

Les travaux du mois

Il faut poursuivre l’entretien des lieux, débrousailler mécaniquement, traiter les corps de ruche à l’huile de lin chaude, décaper le matériel, le stériliser, laver les vêtements à l’eau javellisée (un berlingot dans 6 litres d’eau), acheter des gants en caoutchouc plus faciles à désinfecter à l’alcool ou à la javel que les gants en cuir…

Mais aussi prévoir des cadres cirés. Plus on met de fils plus le rayon sera solide et pourra résister aux efforts mécaniques auxquels on le soumet. Bien coller la cire gaufrée en tête avec une lame de cire liquide coulée dans la rainure de tête, il est important que cette partie soit bien accrochée sous peine de voir le sommet de la cire se plier sous la chaleur et le rayon construit collé aux voisins de la ruche.
En prévoir 3 par colonie de manière à renouveler les rayons en trois ans.
Lors de cette opération, il sera nécessaire de nourrir si l’on est en situation hors miellée. Mais on y reviendra en temps utile.
Préparer des cadres de hausse construits en les équipant d’une punaise. Deux par colonie, ils seront mis au ras du nid à couvain lors de la première visite de printemps, ils serviront de piège à varroa. J’y reviendrai en mars.

Pour les élevages de reine quel matériel choisir ?
Je serai tenté de dire : rien de spécifique ! Travailler avec son matériel standard. Des ruchettes, des haussettes de ruchettes, j’utilise des haussettes pour ruchettes 6 cadres. Posées sur un plateau de sol fermé, partitionnées avec une plaque de polystyrène, elles font d’excellents nucléis avec 3 cadres de hausse de couvain et miel.
J’élève plusieurs colonies sur des hausses Dadant et je dispose tôt en saison de cadres de hausses couverts de miel, de couvain et d’abeilles.
L’hiver, je conserve des blocs de 2 ou 3 nucléis superosés, qui, une fois stimulés, me donnent également des nucléis prêts à fonctionner au moment adéquat. Avec ces deux manières de faire j’ai sans trop de dificultés les nucléis dont j’ai besoin.

Mille solutions sont possibles, je dois avouer que ce procédé me semble le plus simple à mettre en oeuvre et le plus universel si on ne souhaite pas faire de dépenses spécifiques.
Certes, un professionnel fournissant plusieurs centaines de reines chaque année s’rientera vers des solutions encore plus économes en abeilles, mais plus délicates à conduire.

La stimulation
Je considère ici deux cas, la préparation des colonies pour faire du miel et le suivi des essaims artificiels.

Pour les colonies de production : repérer la date de la miellée qui sera pour vous la source de la meilleure récolte. 40 jours avant la date cette éventuelle miellée, nourrir tous les 3 jours les colonies d’un sirop chaud à 40°c distribué par 1/2 à 1l par colonie suivant leur force. Ce sirop sera fait d’une solution de 500g de sucre pour 500g d’eau (sirop dit 50/50).
Nourrir ainsi durant 20 jours sauf périodes de miellées s’il en arrivait. 20 jours plus tard commenceront à naître les abeilles issue de cette stimulation de la ponte de la reine. L’accroissement de la population durera jusqu’à la fin de la miellée, l’apport de nectar poursuivra le travail de stimulaiton de la ponte de la reine. Les professionnels, la récolte faite sur cette miellée, transhument leurs colonies vers un autre lieu de récolte, les colonies restent alors fortes jusqu’en fin de saison florale. Pour un rucher sédentaire, il faut parfaitement repérer les dates des bonnes mielléles de manière à disposer de cette croissance de la population au moment ad hoc. Arrivées trop tôt, ces abeilles issues de la stimulation produiront l’essaimage, arrivées trop tard, elles vont consommer les réserves accummulées.
Dès la miellée présente mettre les hausses par deux à la fois. Peu importe (sauf en apiculture biologique), que la reine vienne y pondre, mais il faut éviter le blocage de ponte par engorgement du nid à couvain.
Précision utile : à ne faire que sur des colonies dont la reine est de l’an passé. Sur une vieille reine, l’esaimage est assuré !

Pour les essaims artificiels : les nourrir deux fois par semaine d’1/2 l de sirop jusqu’en fin de septembre. Ils seront sur 6 cadres dont 4 bâtis par leurs soins.

Bon travail.

Jean Riondet auteur de « Un rucher dans mon jardin » (en vente chez l’auteur jean.riondet@gmail.com) et de « l’apiculture mois par mois » (Ulmer éditeur).

Auteur Jean Riondet

Apiculteur de longue date, Jean Riondet est un passionné qui aime apprendre et transmettre. Parallèlement à l’entretien de ses ruches, il enseigne l’apiculture depuis plus de 35 ans dans la région lyonnaise. Auteur d’un premier ouvrage, Un rucher dans mon jardin (Nathan, 1995), il rédige depuis l'an 2000 diverses rubriques d'abord dans la revue Abeilles et fleurs, puis dans la revue L'abeille de France. Il anime le blog de conseils apicoles sur Beehoo. Ses ouvrages actuellement disponibles : L'apiculture mois par mois - Le Rucher durable - Installer un premier rucher - Élever ses reines, trois méthodes simples. Il participe activement au Groupement d'action sanitaire apicole du Rhône (GASAR) qui assure la formation continue des apiculteurs du Rhône https://gasarhone.fr/ Jean Riondet est chevalier dans l'ordre du Mérite agricole

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