Fin juin c’est l’été

Après un mois de mai pluvieux, frais, avec un peu de chaleur en alternance, la saison du miel de printemps est terminée et c’est zéro pour la plus part des régions à quelques exceptions près et tant mieux pour elles !

Oui rien et moins que rien en miel c’est pour certains professionnels la fin de leur activité en apiculture. Cela nous renvoie à une grande caractéristique de cet élevage sa faible industrialisation.

Dans un ouvrage d’agronomie du XIX° siècle, 1830 environ, j’avais lu que l »élevage des poules des lapins, des abeilles était non rentable mais que l’on en faisait pour avoir un peu de viande, de sucre à la marge des activités commercialisées.

Les élevages de poules et de lapins ont pu être industrialisés et  sont largement abstraits de ce fait de l’aléa climatique ce que les apiculteurs ne peuvent espérer.

Que nous reste-t-il ?

Espérer du soleil sur les châtaigniers, sur les tournesols, sur les metcalfa et autres miellats. Bref, que les miels d’été soient un peu abondants. Ce qui n’est pas impossible, l’abondance de l’eau dans le sol est une certitude, reste à attendre une forte chaleur ce qui produirait une conjoncture bénéfique pour les miellées.

Un peu de réflexion sur les essaimages

Avec un collègue nous avions décidé en juillet dernier de casser toutes les colonies en deux ou trois morceaux pour faire des essaims sur 3 ou 4 cadres de couvain, avec des reines de l’année pour leur faire passer l’hiver. Nourris au candi dès novembre pour les plus faibles, ces essaims ont très bien résisté, leur nourrissement au sirop dès que possible et l’agrandissement forcé sur des cires gaufrées a donné de très beaux essaims sans essaimage. Il est vrai que les reines sont issues de souches très sélectionnées sur les critères d’essaimage de production d’abeilles et de douceur…

Par contre, les colonies conservées sur plus de 6 cadres pour faire de la production dès le colza auront toutes essaimé malgré des changements de reines à l’automne. Ces essaims seront en production sur les miels d’été si le temps le permet. J’en tire deux conclusions personnelles, d’une part la diversification des activités apicoles est une nécessité absolue pour vivre dans ce secteur économique, mais ce n’est pas un scoop ! D’autre part il n’y a pas encore de politique agricole pour l’apiculture qui ait vraiment pris la mesure de cette réalité : la faible capacité d’industrialisation de la production apicole. Imaginer une apiculture productiviste à l’américaine via des exploitations de très grande taille avec des engins énormes pour faire de la transhumance. C’est ignore la structure du bocage français favorable à l’apiculture. J’étais en Ardèche il y a quelques temps, je ne vois pas comment faire passer un semi remorque de ruches sur les routes sinueuses et étroites des châtaigneraies…

Certes on assiste à des formes de division du travail avec des mielleries à dispositions de plusieurs exploitants, des camions de transhumance partagés, des spécialisations sur l’élevage des reines, la production d’essaims, la production du miel …  mais la production du miel, cœur de métier de l’apiculture pour beaucoup, reste encore soumise à des conditions florales non maitrisables.

Cette année pourrait nous ramener à une évidence pas toujours partager, nous sommes, nous apiculteurs, des éleveurs avant tout. Des éleveurs d’abeilles par compétence, des producteurs de miel par hasard !

Remarques sur les cadres à jambage

Ces cadres composés d’une languette de cire en tête d’excédant pas 2 cm et une lame de bois en travers se révèlent d’excellente formule pour faire des économies de cire gaufrée. J’en ai fait avec un feuillard plastique pour cerclage, c’est très efficace et très peu onéreux. Il faut nourrir pour pousser la construction des cires.
Pour réussir l’opération avec rapidité, il faut sur-nourrir les colonies au printemps en période de construction. Mettre ce cadre en bordure du premier cadre de miel et pollen. C’est le suivant après le dernier cadre du nid à couvain. Dès que la moitié du cadre est bâti, et il l’est des deux côtés, le mettre dans le nid à couvain contre le dernier cadre de couvain, puis lorsque la reine vient y pondre le rentrer carrément dans le nid à couvain.

La partie supérieure du rayon, au dessus du jambage, est faite de cellules d’ouvrières, la partie inférieure est plus riche en mâles. Ce cadre nécessite un certain apprentissage pour le développer mais après quelques temps pour maitriser le comportement cirier des abeilles que l’on possède on tire un grand bénéfice de cette approche très économique.

Travailler avec des reines sélectionnées

Ces essaimages à répétition nous rappellent que le travail de sélection est à la base du travail de l’éleveur.

L’abeille dite locale, souvent désignée comme « noire », reste une abeille naturelle. C’est à dire par principe essaimeuse puisque la survie de l’espèce est liée à cet instinct. C’est donc un travail d’éleveur que de sélectionner des lignées peu essaimeuses. Ce que l’on appelle une race est un  ensemble d’individus sélectionnés sur des critères identiques. Cela s’obtient par un travail de croisement qui aboutit à des formes de consanguinité. Seuls des professionnels aguerris y parviennent et les éleveurs reconnus notamment dans les pays du Nord de l’Europe ne sont pas si nombreux. Les races peuvent être « noires » c’est le cas très particulier du travail réalisé par H. Guerriat et son équipe à Chimay et dans d’autres pays sur les abeilles locales telles la carnica, la caucasica, la ligustica…

A l’extrême inverse, on peut produire des races totalement originales telles sont les travaux qui conduisirent le frère Adam à mettre au point l’abeille qui porte le nom de son couvent Buckfast dans le Devon en Angleterre. A l’origine il recherchait une abeille résistante à l’acariose. C’est une hybridation de multiples « races »  de divers continents Elle est reproduite, développée, transformée par de nouveaux croisements pour essayer d’obtenir des abeilles résistante à varroa…

Notre expérience est que la reproduction de reines sur des souches très sélectionnées est une excellente option pour disposer  de ruchers résistants aux maladies, doux, avec un essaimage maitrisable. Quel avenir pour les races résistantes à varroa ? C’est une question  intéressante, les résultats actuels sont encore peu développés, le caractère permettant aux abeilles de se débarrasser de varroa n’est pas aisément transmissible, certaines lignées qui vivent bien avec varroa sont  très peu productives de miel.

 

Jean RIONDET

Auteur Jean Riondet

Apiculteur de longue date, Jean Riondet est un passionné qui aime apprendre et transmettre. Parallèlement à l’entretien de ses ruches, il enseigne l’apiculture depuis plus de 35 ans dans la région lyonnaise. Auteur d’un premier ouvrage, Un rucher dans mon jardin (Nathan, 1995), il rédige depuis l'an 2000 diverses rubriques d'abord dans la revue Abeilles et fleurs, puis dans la revue L'abeille de France. Il anime le blog de conseils apicoles sur Beehoo. Ses ouvrages actuellement disponibles : L'apiculture mois par mois - Le Rucher durable - Installer un premier rucher - Élever ses reines, trois méthodes simples. Il participe activement au Groupement d'action sanitaire apicole du Rhône (GASAR) qui assure la formation continue des apiculteurs du Rhône https://gasarhone.fr/ Jean Riondet est chevalier dans l'ordre du Mérite agricole

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