C’est la nouvelle année, bonne année. Sera-t-elle véritablement bonne ? Sûrement car si nous n’en sommes pas persuadés alors nous aurions déjà arrêté l’apiculture. Donc 2009 sera une bonne année. Prenons les choses comme cela, sinon trop d’évènements dommageables nous conduiraient à penser l’avenir encore plus sombre qu’il ne l’est aujourd’hui. Bien sûr nos vœux, s’ils font partie des choses convenues, n’en restent pas moins un signe d’optimisme, nous ne sommes pas dupes pour autant, 2009 connaîtra son lot de turpitudes, d’échecs, d’inquiétudes, mais nous avons décidé que ce serait une bonne année apicole. Donc faisons en sorte qu’il en soit ainsi ! Pour le reste on fera avec.
A cheval sur deux années
Eh oui ! L’année apicole a commencé en 2008. Certains la font démarrer après la dernière récolte, d’autres à partir des essaims de mai. Et si comme chez nos anciens on ne récoltait qu’en mai-juin ? Nos fortes colonies hivernées comme il se doit sur des réserves constituées à partir de mi juin et jusqu’à l’automne, vont démarrer en trombe entre février et avril 2010 selon les régions.
Pour les fans d’expériences diverses, si janvier possède quelques belles journées bien chaudes et si les abeilles ramènent du pollen, on peut leur glisser un verre de sirop tiède sur le couvre cadre nourrisseur.
Toutes les abeilles qui s’y baladent attestent de la force de la colonie. La ponte de la reine s’accélérera sous l’effet de cet apport inopiné de nectar le couvain. Si on ne voit pas de pollen aux pattes, attention !
Le couvain va se développer avec les réserves de pollen de l’an passé et si le froid revient durablement, le pollen viendra à manquer pour le couvain à venir. Mal nourries les jeunes abeilles seront fragiles, sensibles aux maladies. Donc prudence !
En mars ces colonies seront bonnes pour faire des essaims artificiels avec des reines gardées en nucléi tout l’hiver. Car, cette manipulation n’est à faire qu’avec l’objectif d’essaims artificiels tôt en mars sinon ce sera l’essaimage naturel assuré en avril. Donc bien noter les colonies ayant bénéficié de cet apport stimulant.
Ces essaims seront de magnifiques colonies de production pour l’an prochain.
Stimuler très tôt pour lutter contre varroa
Pour piéger varroa au printemps, réduire sa pression démographique, nous sommes condamnés à faire bâtir des cires à mâles qui, une fois pondues et operculées, seront détruites. Les femelles varroas sont attirées par les phéromones des larves de bourdons et s’y installent de manière préférentielle.
A moins de disposer de cadres bâtis en 2008 sur des cires à mâles, réussir de telles constructions cette année sur chacune des ruches au printemps, suppose des colonie en plein développement. Il faut abondance de cirières et la cire n’est produite qu’en pleine miellée. Deux conditions à remplir absolument. S’il nous en manque une, il ne se passe pas grand chose.
Le nourrissement devra être démarré le plus tôt possible. Dès les beaux jours de février mettre du sirop chaud sur les couvres cadres nourrisseurs, pas trop, juste 200 cm3. Répéter l’opération une fois dans le mois qui suit.
La ponte de la reine reprend très vite. Là aussi, le risque d’essaimage est majeur en avril, mais l’amateur devra apprendre à le contrôler. Quitte à faire des essaims nus. On y reviendra ultérieurement.
Nourrir, toujours nourrir ?
C’est un leitmotif que longtemps j’ai récusé moi-même et que beaucoup récusent encore aujourd’hui. Certes, si on récolte peu, très tôt et que l’on laisse aux abeilles leurs réserves naturelles, on a de bien meilleures chances de les voir survivre.
L’effondrement constaté des colonies porte sur une fragilisation extrême semble-t-il de l’environnemnt, la présence constante des pesticides neurotoxiques, insolubles dans l’eau, qui ressortent à chacun des labours, présents dans le pollen des maïs que les abeilles butinent quoi qu’on en dise, … font que les récoltes ne sont plus au rendez-vous.
A part une bagarre constante contre l’usage des produits chimiques, pour préserver leurs ruches, les amateurs seraient bien avisés de ne faire qu’une seule récolte tôt, au milieu du printemps, et de laisser les colonies se développer, faire leurs réserves et les y aider si besoin. Alors, nourrir serait moins nécessaire.
Mais la plus part du temps, nourrir au printemps devient quasiment une obligation pour aider les colonies à rester les plus populeuses possibles et si on récolte en juillet il est indispensable de nourrir la récolte finie.
La règle de l’abbé Warré on partage la récolte avec la colonie en lui laissant systématiquement un corps plein de miel sur le corps de couvain s’imposerait presque. Aujourd’hui, récolter une hausse de miel sur une Warré et lui en laisser une pleine est à peu près ce que l’on est désormais en capacité de faire en bien des endroits où la saison apicole ne dure que d’avril à juillet.
Faire davantage de prélèvement participerait de trop à la fragilisation des colonies. Leur bon état sanitaire et alimentaire est un savoir faire que les apiculteurs amateurs doivent travailler particulièrement.
Faire des essaims artificiels
Sur des ruchettes de 2008 en très bonne forme, dès que possible en janvier, en stimuler certaines et le faire par la suite régulièrement pour produire l’essaimage. Puis à partir de mars, début ou fin selon les régions, on opère des divisions tous les 40 à 50 jours en fonction de leur développement et sous nourrissement constant.
En utilisant des reines d’élevage de l’an passé puis de l’année en cours, dès leur apparition c’est à dire en mai la plus part du temps, on obtient pour chaque ruchette stimulée en mars, 6 ruchettes en août.
Fabriquer des essaims, en produire autant que des ruches de production, leur faire bâtir des rayons neufs, renouveler les reines des colonies tous les ans, est une pratique de l’apiculture qui donne de meilleures colonies en moyenne, plus populeuses, mieux nourries grâce à une abondance de nourrices.
C’est une manière de renforcer la santé des colonies si fragilisée aujourd’hui. Conduire autant d’essaims que de colonies de production est un très gros travail, il suppose un très bonne planification des opérations du mois de mars au mois de juillet.
Ce que disaient les anciens
Je relisais, durant les fêtes de fin d’année, un ouvrage non daté mais probablement écrit dans la première moitié du 19° siècle « La maison rustique du 19° siècle » sous titré « Encyclopédie d’agriculture pratique » l’éditeur étant rue Jacob à Paris, c’est l’ancêtre de l’éditeur Rustica aujourd’hui.
Dans le troisième des 5 volumes, je me suis porté particulièrement sur le chapitre « éducation des abeilles ».
La ruche n’est pas encore à cadre, il n’y en a aucune mention. La ruche d’obsrvation de Huber est présentée, c’est une sucession de petites boites de l’épaisseur d’un rayon, accolées les unes aus autres par une sorte de charnière. Tous les modèles en bois sont à hausses ou à développement par adjonction d’éléments horizontaux ne comportent pas encore de cadres en bois pour y contenir les rayons.
Les divers éléments ont pour fonction de distinguer la partie du couvain de celle où se trouve le miel que l’on extrait avec moins de difficultés que dans les paniers traditionnels.
Peser les ruches
Le premier conseil, le plus intéressant, est de peser les ruches. Pour chacune le poids à vide est noté sur un carnet.
A l’entrée de la morte saison, il doit y avoir de 12 à 15 livres de miel dans les colonies. La livre « métrique » faisant à cette époque 500 g. Pour avoir ce poids on retranchait du poids de la ruche pleine, son poids à vide, 5 livres pour les abeilles et 2 livres pour la cire.
12 à 15 livres de réserves suffisent selon la dureté de l’hiver. Plus l’hiver est doux, plus les abeilles consomment, les réserves nécessaires seront alors plus importantes.
Et, note l’auteur, ce poids est relativement indifférent au nombre des abeilles. Une ruche populeuse consomme guère plus qu’une ruche bien moins garnie en abeilles. En effet la consommation de miel a un usage celui d’entretenir la vie, mais aussi un second, celui de maintenir la chaleur. Plus la population est importante moins les déperditions de chaleur au sein de la grappe sont grandes, chaque abeille a besoin de moins produire de chaleur.
La visite des ruches
Dés le démarrage des colonies, on surveille les ruches pour en prévenir l’essaimage, contrôler la récolte, en valider la vigueur. Jusqu’à deux fois par semaine on soulève rapidement le panier ou la caisse posée sur sa planche ou sa pierre et on inspecte les rayons que l’on voit par le dessous.
On ne dérange pas les abeilles, on mesure aisément l’importance de l’occupation des rayons par les abeilles, on voit facilement les cellules de reines qui pendent le long des rayons, on observe aisément l’activité. On suit facilement la montée vers l’essaimage.
On reconnaîtra ici la technique de visite de la Warré. Pas d’ouverture par le sommet qui perturbe et refroidit la colonie, pas de dérangement important des abeilles, une bonne vision de l’occupation des rayons puisque les abeilles habitent au plus chaud donc au plus haut. Si elles sont nombreuses en bas elles le sont davantage en haut.
Ce type de visite peu dérangeant permet d’en faire souvent et les abeilles sont très peu agressives.
L’essaimage
L’auteur poursuit, on ne récolte pas les colonies qui n’ont que de 20 à 25 livres de réserves, il faut leur laisser cette nourriture pour en faire des fortes colonies l’année suivante et qui seront aptes à fournir à leur tour de beaux essaims et une belle récolte.
Les essaims, artificiels bien sûr, sont réalisés par tapotement. Nous les appelons aujourd’hui essaims nus ou paquets d’abeilles. Ces essaims provoqués un peu avant le moment où se produirait l’essaimage naturel permet de maîtriser le phénomène. Cette méthode suppose une surveillance active des colonies. Elle donne de très beaux essaims.
La récolte du miel
Quand doit-on récolter, Cher maître ?
Après l’essaimage, dit l’auteur, de manière à laisser aux abeilles le temps de renouveler leurs réserves pour l’hiver. Donc c’est finalement très tôt en saison. On ne récolte pas en été, ni en automne. Si on le fait, ce serait sur de vieilles colonies ou faibles et on les étouffe pour ne pas laisser survivre de trop faibles populations inaptes à passer l’hiver.
Et si par hasard on découvrait que le nectar serait insuffisant pour abonder les réserves d’hiver, on nourrit le soir uniquement à la nuit tombée, en mettant près des portes des sirops issus de fruits écrasés dans des coupelles.
Le soin au miel
On distingue le miel vierge, de première qualité, issu des rayons n’ayant contenu que du miel. On peut faire égoutter ces rayons écrasés dans un baquet contenant des fleurs d’oranger ou de robinier (ou faux acacia) ou d’autres substances pour lui donner une odeur.
On reconnait ici des pratiques, aujourd’hui frauduleuses, pour faire des miels d’acacias. Mais pratiques à l’honneur dans certains pays d’Europe orientale où la trop courte saison apicole oblige à nourrir surabondamment et à produire assez largement des miels de sirop parfumés de sucre de betterave. J’en ai goûté et les apiculteurs sont fiersd e leur savoir faire pour obtenir des miels subtilement parfumés.
Les rayons ayant contenu du pollen et du couvain fournissent un miel de seconde qualité.
La conservation des rayons de miel dans des vases en terre vernissée, donne le miel le meilleur qui soit….
Combien rapporte un rucher ? L’auteur ne s’avance pas trop sur les chiffres. Mais il note que ce n’est guère productif, c’est une activité indispenssable pour avoir un sucre bon marché, mais la commercialisation est à la marge de l’exploitation agricole, on ne semble pouvoir en vivre.
Sans doute avec Internet et le téléphone cellulaire, les pèses ruches électroniques en continu que nous avons vu au congrès de Villefranche sur Saône sont des outils plus adaptés à nos conditions de vie et de travail. Mais peser les ruches comme indicateur de base de la conduite apicole est une notion établie il y a bientôt deux siècles.
Bonne route hivernale et encore très bonne année 2009
Jean Riondet jean.riondet@wanadoo.fr Auteur de « Un rucher dans mon jardin » CDRom avec mise à jour 2009
Pingback: lhuillier patrice
Pingback: Jean Riondet