Après un hiver doux suivi d’un coup de froid qui a fait craindre un remake de 2021, mi-juin la canicule arrive avec près d’un mois d’avance. On aura connu une chaleur intense depuis plusieurs semaines, accompagnée de la sécheresse. les tilleuls n’ont pas duré et en plaine les châtaigniers ont grillé. Puis dans de nombreuses régions les orage en fin de mois ont claqué, les grêlons ont détruits bien des espoirs de récoltes.
Au total, malgré ces conditions météos particulières, le miel a coulé et certains apiculteurs auront fait autant de miel au début de cette saison que sur toute l’année 2021. Espérons que les miellées en cours sur le tournesol, là où il est implanté, assurerons une récolte correcte. Espérons car depuis plusieurs années le tournesol est tellement sélectionné sur la production d’huile que, conséquence non souhaitée, le nectar vient à faire défaut, les abeilles visitent moins cette oléagineuse et les pollinisations sont moins bonnes. De nouvelles semences plus nectarifères seront mises en production pour les années à venir.
Pourquoi correcte ? Parce que cette canicule aura séché les floraisons. Selon l’altitude, les expositions, la présence d ‘eau souterraine ou non, les châtaigniers, là où ils poussent, auront grillés ou donneront. D’une manière assez générale, leur floraison n’aura pas duré.
Les élevages de reines marchent bien, les essaims aussi grâce aux apports nutritionnels. Les professionnels de l’élevage feront plus de chiffre d’affaire avec leurs reines et les essaims qu’avec le miel ! Il est vrai que l’engouement pour l’apiculture pousse nombre de ruraux du dimanche à tenter l’aventure apicole. En absence de formation ou de coaching, le désastre est à la clef de cette passion naissante. Le renouvellement des cheptels devient un marché lucratif.
Se former c’est apprendre à élever cet insecte sauvage, c’est comprendre sa biologie et son mode de vie, c’est partager nos interrogations sur de pans entiers de son existence encore inconnus pour nous tous et s’émerveiller devant la force adaptative de cet insecte. Le miel reste magique, lorsqu’il coule de l’extracteur ou du pressoir, les odeurs sont enivrantes, les parfums sublimes, les couleurs changeantes d’une récolte à l’autre et même d’une hausse à l’autre…. bref c’est un enchantement.
Mais produire du miel est un savoir faire doublé d’un savoir, se former sera le maitre mot pour l’avenir des apiculteurs. Les changements climatiques avec les évènements météo qui leur sont attribués vont nous conduire à modifier de manière raisonnée nos pratiques apicole. Prenons un exemple. Cette année des amateurs avertis comme des professionnels ont connu des mortalités très importante dépassant même les 50%. Pourquoi ces mortalités d’hiver si importantes ?
Sans se tromper on dira « c’est la faute à Varroa ». Sans doute. L’ affaiblissement provoqué par varroa sur les abeilles les rend sensibles à tout un ensemble de pathogènes qui sont naturellement présents dans les colonies. Mais un autre facteur que l’on peut lier, au moins sous forme d’hypothèse, aux récoltes faites en 2021. C’est la faible efficacité de la stratégie de traitement contre varroa du fait de son application tardive.
Au plus fort des miellée sur lesquelles les apiculteurs ont l’habitude de réaliser l’essentiel de leur production, le gel, le froid, la pluie, ont anéanti tout espoir de miel. Par contre, en été et même en fin d’été il a été possible de faire des récoltes. Certains furent tentés d’exploiter ces opportunités. Surtout ceux qui avaient compensé les mauvaises réserves hivernales des colonies en les nourrissant avec des pâtes protéinées. Mais conséquence de ces récoltes tardives, les traitements contre varroa ont été réalisés en septembre. Malheur à cette pratique, décaler de 6 semaines le traitmetn contre varroa c’est en faire exploser la charge . Les abeilles à naître furent toutes parasitées, ces abeilles d’hiver furent pauvres en corps gras. Or, la carence en vitellogénine engendre des générations d’abeilles à durée de vie raccourcie.
C’est de la formation tout au long de sa vie d’apiculteur tant les revues des diverses organisations apicoles, des articles des chercheurs, des vidéos sur le net, les cours en ligne … mais tout cela sera complété par des rencontres dans les ruchers école pour des expériences partagées, des échecs analysés en commun. Quand tout réussi on ne sait pas toujours pourquoi mais on ne se pose pas de question, quand tout échoue, les interrogations vont bon train et la connaissance peu à peu s’incorpore dans nos pratiques apicoles.
Après la récolte, varroa
C’est un des chapitres du Credo apicole. Récoltes faites, on doit absolument traiter contre varroa. Nul n’y est à l’abri, le monde entier en profite, nous n’en aurons jamais fini avec cet acarien.
Il vit deux fois plus longtemps que l’abeille en pleine saison, se reproduit dans la cellule de la larve, lorsqu’une colonie est parasitée elle produit deux fois plus de varroas que de jeunes abeilles… Bref cette calamité doit être traitée avec la plus grande rigueur. A cette époque de l’année nous disposons de deux modes d’approche les molécules de synthèse ou les acides organiques. D’autres matières actives sont possibles mais soit elles sont peu efficaces soit elles sont complexes de mise en œuvre. En apiculture sous appellation biologique seuls les acides organiques sont autorisés. Parmi les molécules de synthèse la famille des pyréthrinoïdes de synthèse a rapidement développé des résistances à varroa, ces médicaments sont conservés pour effectuer ds alternances de molécules afin de limiter les sélections de varroas résistants. Par contre l’Amitraz reste encore une matière active utilisable même si après plus de 30 années d’usage son efficacité diminue.
En Europe, l’Amitraz reste autorisé comme acaricide chez un certain nombre d’animaux, alors qu’aux USA l’agence de protection de l’environnement (EPA) le considère comme possiblement cancérogène (essais sur la souris). Je n’ai pas connaissance d’études sur la toxicité chez l’humain. Quoiqu’il en soit, il est important de n’utiliser que des spécialités pharmaceutiques possédant une AMM (autorisation de mise sur le marché) pour les abeilles, certaines spécialités à base d’Amitraz possèdent des ingrédients dangereux pour la santé humaine et sont de ce fait interdits d’usage sur les animaux de consommation. Les préparations artisanales avec ces produits sont à haut risque pour le consommateur de miel.
Le respect strict des modes d’emploi limite les traces de ces produits ou de leurs métabolites (produits de leur décomposition dans le temps) dans les miels.
Avec les acides organiques (acide oxalique et acide formique) les spécialités disponibles ne présentent pas de dangers pour les colonies ni pour le consommateur. Outre qu’ils sont présents naturellement dans la nature et dans le miel, les doses utilisées et les conditions d’emploi ne permettent pas d’en retrouver en quantité dans le miel.
Pour l’emploi de l’acide oxalique qui a les faveurs des apiculteurs actuellement, son usage est soumis à une condition stricte d’application : être en absence de couvain.
En effet on l’emploie en méthode flash c’est à dire sur une durée très courte, répandu sur les abeilles le sirop contenant l’AO sera actif quelques jours et n’aura d’impact que sur les varroas présents sur les abeilles adultes. Or, les varroas en reproduction sur les larves, dans les cellules sont à l’abri des produits chimiques toxiques pour eux. Cette circonstance divise par 2 l’efficacité du traitement. Or, pour débarrasser la colonie de cet acarien on se doit de provoquer une rupture de couvain dans la colonie. On utilise alors le procédé de l’encagement de la reine pendant 21 jours, à ce terme tout le couvain est né et on peut détruire par un dégouttement les varroas présents sur les abeilles. On fait une seconde application 4 jours plus tard qui assure de toucher les quelques mâles qui n’étaient nés et de toute façon on améliore ainsi le contact de cet acide avec toutes les abeilles.
Cet encagement se fera avec diverses cages : Scalvini, Menna, cadre de corps ou de hausse fermés tout ou partie par de la grille à reine … ces solutions supposent que l’on puisse trouver la reine et l’y enfermer. Jean Marie Sirvens du Puy de Dôme a publié une méthode que bien connaissent pour trouver la reine, mais qu’il laisse en place durant toute la période de confinement.
Il faut un corps de ruche supplémentaire et une grille à reine :
– on retire le corps de ruche avec la colonie de son plateau de sol. Après l’enfumage préliminaire classique avec les abeilles, on peut penser au la reine ne s’y trouve pas. Mais sait-on jamais, il faut vérifier tout de même
– on pose à sa place le corps vide et on y met 2 cadres de couvain bien couverts d’abeilles
– on secoue les abeilles de tous les cadres de la ruche et celles qui sont sur les parois de la ruche
– tous les cadres seront remis dans la ruche vidée de ses abeilles
– sur la ruche avec ses 2 cadres de couvain on pose la grille à reine, puis le corps de ruche avec tous les autres cadres
– les abeilles secouée remonteront dans la ruche supérieure pour rejoindre les cadres de couvain où elles étaient installées
– resteront dans la ruche inférieure la reine et des abeilles sur les 2 cadres de couvain
Au terme des 21 jours, la partie supérieure sera dissociée et mises sur le plateau de sol ou sur un autre, un premier traitement sur la colonie supérieure sera effectué et 4 jours plus tard un second.
Gestion de la reine : Soit on la recherche dans l’essaim sur 2 cadres et on la rend à sa colonie, soit elle reste dans son essaim qui sera traitée avec des lanières d’acaricide sur la durée. Il est préférable que tous ces essaims soient réunis en un seul rucher pour les isoler des ruches traitées. D’ailleurs, certains apiculteurs préfèrent détruire ces 2 cadres avec le couvain et les varroas en gestation de peur de maintenir un foyer d’infestation dans leur rucher. Cette manière de procéder permet facilement de remérer les colonies avec de jeunes reines d’élevage.
Seconde action, nourrir
Après avoir voler aux abeilles leur stock de nourriture, il est souhaitable de leur en rendre une partie. Les canicules et étés secs que nous connaissons assèchent les fleurs. Le pollen peut rentrer mais le nectar fait défaut. Apporter au moins un nourrisseur de 6 l rempli à ras bord de sirop permet d’amorcer plus encore le remplissage des corps, c’est particulièrement nécessaires avec les colonies qui produisent beaucoup d’abeilles, les races à viande comme l’on dit.
Évidemment si la conduite des colonies aboutissait à remplir les corps de miel cet apport est inutile.
L’arrivée massive de sirop va provoquer un blocage de la ponte de la reine, les abeilles mettent sur sirop partout où elles trouvent de la place surtout qu’elles sont la plupart du temps encore très nombreuses. Les apports sont massifs et sur la durée. En cas de besoin on peut apporter jusqu’à 15kg de sirop. C’est une situation extrême, mais je la cite pour vous éviter de penser qu’en ayant mis un peu de sirop, 1 l par exemple, cela suffira. Les miellées à venir peuvent être intéressantes pour le pollen comme le lierre, son nectar souvent cristallise très durement et les abeilles peinent à le consommer. La renouée du Japon apportera du pollen et un excellent nectar, les CIPAN (culture intermédiaire piège à nitrates) vont apporter des fleurs jusqu’en novembre mais les larves en ce moment-là ne disposeront que d’un type de pollen ce qui est préjudiciable à la qualité des abeilles à venir. Bref il est important que les colonies soient le plus vite possible en situation d’hivernage.
Laisser à demeure une pâte hyper-protéinée ne peut être que bénéfique en ce moment de raréfaction de la ressource alimentaire. Certes, les apports en protéines ne sont pas très diversifiés avec nos produits mais la quantité prime alors la diversité. A noter que la nature offre encore des pollens bien que les ressources en nectar soient parfois dramatiquement absentes.
Bref,
Si tout se passe bien les colonies devraient repartir au cours du mois d’aout avec des couvains serrés, bien bombés signe de leur vitalité et de la réussite du traitement contre varroa. Ainsi conduites, les colonies seront moins sensibles aux maladies et plus à même d’affronter les périodes de disette.
Dernières précautions contre les prédateurs, mettre de suite les portières de réduction d’entrée contre les sphinx tête de mort, les cétoines et lorsque le froid arrivera musaraignes et lézards seront tenus plus aisément à l’écart. Une intervention de deratisation préventive permet de limiter le nombre de rat et de souris autour des ruches et de la miellerie.