Non, en réalité ce n’est pas aussi pire que cela. Restons dans les bonheurs négatifs pour reprendre l’expression du philosophe roumain Andei Pdesu, ce pourrait être pire ! Soyons vigilants car l’illusion est grande en de nombreux endroits, le va et vient incessant des abeilles et leur nombre laisse penser à une activité débordante. Les colonies ont beaucoup amassé et les hausses sont pleines, les corps aussi. Mais pour les ruchers sédentaires il n’est pas certain que les colonies trouveront encore dans leur environnement proche les fleurs, en quantité et qualité, permettant la tenue de la ponte de la reine.
Suivre l’alimentation
Les colonies sont au maximum de leur développement, dans un mois on entrera dans la régression des effectifs. Mais c’est dès maintenant que la ponte de la reine peut pâtir de la fin des grandes floraisons. Le tilleul devrait arriver, là où il y en a. Encore faut-il qu’il soit mellifère, que l’humidité dans le sol soi abondante, ce que la pluie de cette année nous garantit. Fin du mois ce seront les châtaigniers sur les terres acides, le tournesol ensuite. Mais encore faut-il, qu’outre l’humidité dans les sols, que nous ayons des abeilles en grande quantité.
Or, le froid puis les grandes floraisons qui suivirent ont produit des blocages de ponte partout. Les nourrices n’ayant pas de couvain à élever ont rapidement été faire du butinage, les corps et hausses se sont remplies y compris dans les espaces traditionnels du couvain.
Les hausses cirées, mises après la première vague de remplissage, ont eu du mal à être construites, voire n’ont pas été construites du tout. Les nourrices ont été directement sur les zones de grandes miellées pour participer à l’amassage du nectar. Elles n’ont guère été cirières. Le miel coule, a coulé à flot, mais les colonies stagnent. On en sentira les effets en fin de mois. La durée de vie des butineuses en ces temps de grande miellée est brève guère plus de dix jours. Il faut veiller au renouvellement rapide de la population.
Donc nous allons tirer le miel dès que possible puis nourrir d’un litre par semaine jusqu’à l’arrivée de la prochaine miellée. Si le corps est plein de miel ne pas hésiter à extraire de leur miel deux cadres de corps puis à les remettre, encore miellés, au centre de la colonie pour y être au plus tôt pondu par la reine. Tenir la ponte de la reine doit être le premier souci des apiculteurs à ce moment de l’année. Les professionnels qui font de la transhumance suivent les miellées, leurs colonies tiennent la ponte de la reine, pas celles des sédentaires.
Les élevages de reines
Dans la suite des travaux de mai il faut recommencer des élevages. Beaucoup d’échecs dus à des causes diverses, dont le froid, ont fait rater des prises de cellules, des fécondations de reines n’ont pas eu lieu, des essaims artificiels sont orphelins ou dotés d’une reine bourdonneuses.
Refaire de l’élevage est facile en ce mois très favorable. Nourrir sera une obligation, mais ajouter une cire dans le starter ou dans l’éleveuse, selon la technique utilisée, pour éviter des constructions de rayons sur les cellules de reines.
C’est particulièrement vrai en cas de forte miellée, si on utilise un essaim naturel que l’on a mis en ruchette et dont on enlève la reine. L’essaim est riche en nourrices et donc fera un très bon élevage, par contre il est riche également en cirières et il faut lui donner de quoi construire.
Bien se rappeler « pour que ça cire faut que ça miele » donc aujourd’hui nourrir peut dire construire!
Les nucléis
Pour qui fait de l’élevage la question des nuclei se pose. Nucleus en latin veut dire noyau, nuclei en est le pluriel. Produire des reines rien de plus facile en fin de compte, par contre, pour les faire naître il faut du monde. L’art de l’éleveur est de réussir naissance puis fécondation avec un minimum d’abeilles.
Le plus simple mais gros consommateur est de faire des essaims artificiels sur 2 voire trois cadres de couvain plus un de miel. Ces cadres peuvent être de corps, de hausse si on a du couvain dans les hausses ou si l’on a conduit des colonies sur des hausses à cet effet, sur des demi cadres de hausses, c’est la taille des Miniplus, sur des demi cadres de corps, c’est le modèle du frère Adam de l’Abbaye de Buckfast.
On peut aussi faire de tout petits paquets d’abeilles en secouant un ou deux cadres de couvain dans un toit, après une bonne pulvérisation d’eau parfumée. On verse ces abeilles dans des nuclei Kieler ou Apidea qui permettent d’élever une reine avec moins de 200G d’abeilles. Les plus averti utiliseront le système Erlanger que préconise Karl Weiss dans « Pratique de l’élevage en apiculture, questions et réponses » aux éditions européennes apicoles à Bruxelles. L’apiculteur soit se doubler d’un excellent menuisier doté de machines à bois !
Cet excellent auteur propose un système de nucléi de 20cm de hauteur x 12 et de 6cm d’épaisseur composé d’un espace à candi et d’un espace où se place une petite plaque de cire. Une cellule de reine ou une reine vierge est introduite dans une cagette, le tout garni de 200 abeilles nourrices.
Ces nuclei sont réunis par 4 dans une boite calorifugée et pourvue de sorties sur les 4 cotés, la naissance et la fécondation de la reine se font fort bien. J’ai testé ce procédé exceptionnel de facilité et très efficace. Il est particulièrement adapté aux éleveurs utilisant des couveuses où naissent des reines que l’on introduit dans ces nucléi.
Seule limite pour ces tout petits nuclei, la surpopulation inévitable qui fait essaimer la reine rapidement. Dès le contrôle de la qualité de la ponte, la reine doit être mise en ruche ou vendue. On comprend l’intérêt des éleveurs pour ces systèmes très économiques en matériel biologique.
Précautions à prendre lors de l’introduction d’une reine
Je ne ferai que répéter les conseils de Gilles Fert, tirés de son livre « L’élevage des reines ».
– Que les colonies soient saine, dont bien dépourvues de varroa
– Mais ne pas faire d’introduction en présence du traitement antivarroa
– L’introduction sur l’abeille noire est à haut risque
– Éliminer les vieilles abeilles, ce sont des butineuses pour les éliminer changer de place de quelques mètres la colonie dans le rucher, elles se répartiront dans d’autres ruches
– Nourrir de 2 verres de sirop léger
– Réduire l’entrée pour éviter le pillage
Couper l’une des ailes de la reine d’un tiers s’appelle clipper la reine. Cela évite les essaimages. La reine ne peut voler, elle tombe devant la ruche et l’essaim retourne à la souche et la colonie se remère rapidement. marquer les reines avec un numéro permet de repérer l’origine de l’essaim et les lignées plus essaimeuses que d’autres.
Par prudence utiliser un ciseaux à bouts ronds pour couper les poils des oreilles ou du nez, ils sont petits coupants et sécurisés.
Retenons ce que dit Gilles Fert à propos de l’âge des reines au moment de leur introduction dans une population :
Deux semaines après l’introduction des reines de 7 jours d’âge il n’en reste de survivantes que 15%. Mais elles sont 90% survivantes si elles ont 35 jours d’âge et 72,5% sont encore en vie après 15 semaines.
Il n’est donc pas étonnant que la reine achetée en pleine saison soit changée par vos abeilles rapidement, vous avez sans doute reçu une très jeune reine.
jean RIONDET « L’apiculture mois par mois » Ulmer éditeur