Les abeilles ont faim et soif

Depuis la mi-août les fleurs sont sèches, le nectar est absent, du pollen rentre mais de nectar point, les pontes sont en chute libre, la démographie des colonies s’affaiblit.
Il est urgent de nourrir avec du sirop léger (moitié eau moitié sucre) pour maintenir la ponte des reines à un bon niveau. Le couvain ayant repris de l’ampleur, il sera nécessaire de compléter, si besoin, les stocks pour l’hiver.
Comme dit antérieurement, le sirop concentré sert pour les réserves hivernales, le sirop léger a pour but de nourrir les abeilles immédiatement et de ce fait agir sur la ponte de la reine.
La colonie est un tout. Lorsque rentre du sirop léger, du nectar (il contient au mieux 30% de sucres) il est redistribué à tout le monde par trophallaxie, cet échange constant de nourriture entre abeilles. Moment également d’échanges de phéromones, transmetteurs chimiques d’informations qui conditionnent le comportement des abeilles et orientent leurs fonctions au sein du groupe.
Rappelons ce qui fut déjà écrit ici, le jabot de l’abeille a un volume de 40 microlitres. Donner un litre de sirop revient à saturer le jabot de 25 000 abeilles soit 2,5 k d’abeilles ce que l’on trouve au minimum dans les colonies actuellement et qui devrait rester jusqu’en octobre / novembre afin de disposer d’abeilles en quantité suffisante pour passer la mauvaise saison.
Donc donner 1 litre de sirop par semaine n’est pas exagéré puisque avec un jabot plein les abeilles peuvent vivre 2 à 3 jours sans difficulté. C’est ce que l’on observe avec les essaims naturels que l’on claustre en cave pour les fixer dans les ruchettes.

La famine est la règle, nombre de récoltes tardives sont nulles ou faibles car si les hausses étaient pleines mais pas operculées début août, elles sont désormais presque vides.

Elles ont soif !

Dans un rucher éloigné de points d’eau naturels, là où sont une quinzaine de ruches et ruchettes ce ne sont pas moins de 8l d’eau par jour qui disparaissent de l’abreuvoir et que je dois approvisionner. Leur apporter de l’eau est un complément nécessaire si elles ne la trouvent naturellement.

Pour leurs besoins physiologiques de base, mais pour les bouilles nourricières et gelées royales qui en requièrent beaucoup. Les propriétaires de piscines apprécient peu de les voir se noyer dans leurs volets de protection. Un gros abreuvoir evite bien des problèmes.

Les récoltes

Si elles furent nulles au printemps, les récoltes de l’été faites avant les grandes chaleurs auront été correctes. Encore eut-il fallu reconstituer les cheptels en juin pour que les colonies soient en capacité de collecter du nectar en grande quantité. La saison 2016 se révèle contrastée entre des régions qui peinent, et parfois quelles que soient les années, à produire suffisamment de miel pour la vie des exploitations apicoles et des régions où bon an mal an les récoltes sont acceptables. Les ruchers sédentaires sont mis à mal en général, ce sont les transhumants qui peuvent s’en sortir.
La production des amateurs et des pluriactifs est inconnue puisque leur sous déclaration est la règle. Néanmoins on constate lorsque l’on fréquente des apiculteurs « de loisirs » ayant acquis compétence et expérience que leur production dépasse très largement leur seule consommation familiale. Cette année il est particulièrement intéressant de le constater alors que le discours ambiant valorise la faiblesse des productions.

Se déclarer
Depuis le 1er septembre, le système Télé rucher est opérationnel jusqu’au 31 décembre pour les déclarations de ruches et de ruchers. Pour les professionnels c’est central car couplé au nombre des ruches assurées, cette déclaration servira pour les demandes d’aide, pour le fisc, pour les déclarations en cas de sinistre.
Pour les amateurs le bénéfice reste à démontrer, en effet les sanctions en cas de non déclaration sont absentes, il est quasiment impossible d’identifier un possesseur de ruches, il ne rapporte rien d’être déclaré… les atermoiements autour des procédés de télé déclaration chaotiques n’ont pas poussé les apiculteurs à respecter la règle.
Néanmoins il est utile de posséder un numéro d’apiculteur, demandé lors de l’achat des médicaments via un GDS, la référence à la déclaration est également nécessaire dans ce cadre. Mais traiter contre varroa en achetant des médicaments sur Internet ou utiliser des méthodes qui ne requièrent pas d’ordonnance ou acheter via sa pharmacie et son vétérinaire rendent ces déclarations peu utiles. Les légalistes feront leur déclaration, les girondins s’en abstiendront. Ainsi vont la France et les français.
http://mesdemarches.agriculture.gouv.fr/demarches/particulier/effectuer-une-declaration-55/article/declarer-des-ruches?id_rubrique=55

Traiter contre varroa

Avec le nourrissement au sirop avec des aditifs alimentaires protéinés pour maintenir les colonies en bonne santé, le traitement contre varroa s’impose absolument. Les conditions environnementales notamment liées à l’usage des pesticides, fongicides et herbicides systémiques affaiblissent continuellement les colonies. Varroa en rajoute une couche et la combinaison des deux conduit les ruchers vers leur disparition.
Toutes les manières de traiter contre varroa qui circulent sur Internet en font tomber, il suffit que la colonie s’agite et des varroas tombent. Car dérangées par le produit introduit, les abeilles s’agitent se frottent les unes contre les autres et des varroas se détachent notamment ceux qui sont malades ou vieux ou morts. Il faut donc contrôler le niveau de l’infestation pour estimer la qualité d’un traitement. La chute naturelle des varroas hors toute intervention est un indicateur à suivre avec précision car il est indicatif de l’évolution du taux d’infestation. Mais il est insuffisant pour mesurer le niveau d’infestation réelle et l’efficacité d’un traitement. Les procédures de contrôle sont à étudier via les sites de la FNOSAD ou de l’ITSAP. Il faut être rigoureux en la matière car voir seulement 20 ou 30 varroas tomber sur les plateaux sous le plateau de sol grillagé peut donner de l’optimisme mais faire cet exercice dans des conditions mieux contrôlées révèle des infestations autrement massives et inquiétantes. En l’absence de thermomètre le malade n’a guère de fièvre !

Une stratégie de lutte consiste à nettoyer maintenant le plus possible la colonie des varroas présents sur les abeilles adultes. On utilise des produits à base de thymol ou d’acide formique. Ces produits agissent par le biais de l’air de la ruche. Ce sont des produits dits d’ambiance donc sensibles au volume de la ruche, au nombre des abeilles, à l’hygrométrie, à la température, à la pression atmosphérique. Autant dire que ces paramètres, l’apiculteur ne les contrôle pas tous.
Ces méthodes sont de ce fait insuffisantes et doivent être complétées par d’autres produits chimiques. Ce seront des molécules de synthèse apportées par des lanières ou un traitement à l’acide oxalique réalisé en décembre janvier au moment de la disparition du couvain.

Ces produits agissent davantage par contact. Les varroas étant tous sur les abeilles adultes, on arrive avec l’acide oxalique on obtient, si on est vraiment en absence de couvain, de très bonnes éradications de ce parasite. Dans les régions où le couvain ne disparaît pas totalement des méthodes de blocage artificiels  de ponte sont utilisées pour permettre un traitement efficace contre varroa. Sans doute devrons nous les développer dans certaines de nos régions qui commencent à connaître régulièrement des hivernages sans rupture de couvain.

Ce travail fait, il faudra reprendre au printemps la lutte contre varroa en détruisant des rayons de couvain de mâle si possible pour réduire la pression de ce prédateur. Nous y reviendrons en temps utile.

Le choix sera entre des méthodes simples de mise en oeuvre avec des molécules de synthèse (pas franchement « Bio ») ou des méthodes utilisant des produits chimiques plus proches de ce que l’on trouve dans les ruches : Thymol, acide formique, acide oxalique… mais plus délicats à utiliser.

Quatre sites sont à consulter sur ce sujet : la FNOSAD est spécialisée sur les pathologies apicoles depuis 1964, Agroscope en Suisse propose des méthodes contre varroa sur la base des acides formique, oxalique, (les acaricides de synthèse contre varroa sont interdits) et propose une approche intégrée de lutte chimique et biotechnique qui s’impose désormais.
FNOSAD (France): http://fnosad.apiservices.biz/ dont les fiches techniques 6, 9 et 10
l’ITSAP (France) : http://itsap.asso.fr/
CARI (Belgique) : http://www.cari.be/article/varroase/
Agroscope (Suisse) : http://www.agroscope.admin.ch/imkerei/00316/00329/index.html?lang=fr

Le circuit du miel

FranceAgrimer a publié en juin 2016 via sa « Direction Marchés, etudes et prospective » une enquête réalisée en 2015 sur la filière « apiculture ». Ce travail est très passionnant et instructif. Document bref, accessible à tous et riche d’enseignements.
Je n’en retiens que ce qui est au cœur des oppositions actuelles entre les professionnels et les amateurs notamment dans la mise en place des OVS (qui semblent avoir définitivement du plomb dans l’aile pour les amateurs, mais sans doute qui auraient un intérêt pour les professionnels, qui sait ?). Il s’agit de la place des amateurs et pluriactifs dans la production et la commercialisation du miel.
Le circuit de vente directe des apiculteurs aux consommateurs représente environ 35% des achats alors que les grandes surface en distribuent 45% et les petits commerces environ 10%.
Cette enquête révèle que les consommateurs de miel en reçoivent près de 1,5k en « don », ce qui est considérable en proportion du miel consommé si l’on pense que le partage professionnel / amateurs est souvent comparé aux jardiniers du dimanche. Les horticulteurs amateurs n’influent guère sur les circuits de la commercialisation des denrées alimentaire, par contre les apiculteurs en vente directe à titre gracieux ou onéreux, déclarés ou non, constituent la première filière en vente directe dans le monde agricole.
Or, si les politiques publiques sont à destination des professionnels qui vivent de cette activité, quoi de plus naturel, pour autant elles n’ont pas à alléger les charges d’exploitation des apiculteurs amateurs. Sauf sur un point celui de la formation. Compte tenu de leur importance dans le circuit de la production et de la commercialisation du miel il semble légitime d’accroître leurs compétences et leurs performances tout en les intégrant dans une réflexion économique d’ensemble. Cela reste à faire.
Cette étude mérite d’être consultée.

http://www.franceagrimer.fr/content/download/46820/447710/file/SYN-MIEL-2016-Etude%20marché%20miel%202015.pdf

Jean Riondet

Auteur Jean Riondet

Apiculteur de longue date, Jean Riondet est un passionné qui aime apprendre et transmettre. Parallèlement à l’entretien de ses ruches, il enseigne l’apiculture depuis plus de 35 ans dans la région lyonnaise. Auteur d’un premier ouvrage, Un rucher dans mon jardin (Nathan, 1995), il rédige depuis l'an 2000 diverses rubriques d'abord dans la revue Abeilles et fleurs, puis dans la revue L'abeille de France. Il anime le blog de conseils apicoles sur Beehoo. Ses ouvrages actuellement disponibles : L'apiculture mois par mois - Le Rucher durable - Installer un premier rucher - Élever ses reines, trois méthodes simples. Il participe activement au Groupement d'action sanitaire apicole du Rhône (GASAR) qui assure la formation continue des apiculteurs du Rhône https://gasarhone.fr/ Jean Riondet est chevalier dans l'ordre du Mérite agricole

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