mars 2011 – le mois du démarrage

Mars avec ses giboulées reste à risque de coups de froid mais il inaugure la série des mois de travaux apicoles. Les trois grandes activités seront le changement des plateaux de sol, la visite de printemps et le nourrissement spéculatif pour ceux qui utilisent ce type de conduite des colonies.

Le changement des plateaux de sol
Opération très simple qui nécessite d’avoir un chalumeau, un plateau de sol et son carnet et un crayon.
C’est une manipulation à faire de préférence à deux sauf à avoir un support de ruche de plus en bout de rucher.
Après un léger enfumage de l’entrée on soulève la ruche on décolle le plateau, on l’enlève et on le remplace par un propre.
C’est rapide et ne doit pas déranger outre mesure les abeilles qui ne doivent pas sortir comme des furies auquel cas bien noter cet événement car ce sont des populations agressives à ne pas reproduire de préférence.
Noter l’état du plateau : propre on peut le remettre en place sans rien y faire. Noter cela car la colonie est sans doute populeuse, nettoyeuse. A reproduire. Un peu de saletés, des déchets de cire, quelques abeilles mortes, des débris de sucre en masse (avec les candis au miel il n’est pas rare qu’elles mangent le miel laissant tomber les cristaux de sucre) rien que de très normal. On gratte les débris dans un seau, on passe le plateau à la flamme du chalumeau. Les déchets sont brûlés, la propolis bout, le bois brunit… Et les plateaux en plastique ? Il faut les ramener à la maison, les gratter, les brosser à la lessive St Marc chaude voire bouillante, les rincer au nettoyeur à haute pression, les passer à l’eau de javel, les y faire tremper 30 minutes (un berlingot pour 6 l d’eau,). On s’amuse avec la désinfection du plastique ! Ces opérations de nettoyage sont fondamentales pour la prévention des maladies.

La visite de printemps
C’est la plus importante des visites de l’année. Elle doit être minutieuse et s’achever par une prise de notes conséquente.
On désinfecte son lève cadre à l’alcool à brûler impérativement entre chaque ouverture de ruche.

Elle va nous permettre de faire le bilan sanitaire et populationnel de ce que sont devenues les colonies au cours de l’hiver et de fixer pour chacune d’elles la conduite à tenir. C’est à dire estimer la santé de nos abeilles, de la reine qui aura démarré sa ponte, et d’apprécier le volume ainsi que la dynamique de la colonie.

On observera des indices de bonne ou de mauvaise santé, on fera un test de dépistage du varroa, on appréciera le volume de couvain et l’ancienneté de la reprise de la ponte de la reine.
La visite se fera par une belle journée ensoleillée, sans vent, pression atmosphérique élevée, on doit pouvoir prendre son temps, il faut disposer d’un litre de sirop chaud (35 – 40°c) par colonie pour les remonter en température après le coup de froid, la désorganisation du peuple et le stress liés à la visite.

Appréciation de l’état sanitaire : Au trou de vol l’activité est-elle importante ? Le vol des abeilles est-il régulier, des bagarres à l’entrée, des abeilles sont récusées au retour du butinage ? Du pollen rentre ? Des cadavres jonchent le sol ? Des déjections en masse sur la face avant, sur le toit ?
Si devant vos ruches vous avez des pierres plates, des plastiques… qui empêchent les herbes d’envahir le sol, vous trouverez devant les ruches les plus puissantes un très grand nombre de cadavres. Rien que de très normal, les colonies actives sortent les morts de l’hiver. Peu de cadavres, la colonie n’est pas si forte que cela, mas rien n’indique qu’elle ne puisse se développer rapidement.
Les abeilles doivent rentrer du pollen depuis un mois en bien des endroits, les Hellébores, les chèvres feuilles arbustifs, le noisetier apportent des pollen, les saules sous peu et ce sont des pollens riches qui favorisent l’élevage. Ce n’est pas encore tout à fait le moment mais il ne tardera, de nombreuses abeilles chassées de leur colonie à l’entrée manifestent un risque d’intoxication.

Nosémose Les toits sont mouchetés de déjections, les planches d’envol sont propres, les faces avant des ruches également c’est normal, lors des premières sorties les abeilles vident leur ampoule rectal, le linge sur les étendages, les carrosseries des voitures sont ainsi maculés. Par contre si des déjections nombreuses apparaissent sur le devant de la ruche, cela peut être une dysenterie provoquée par un trop long enfermement, un coup de sirop tiède dans le nourrisseur leur lavera l’estomac et tout rentre dans l’ordre. Mais si les déjections sont énormes, un peu de partout, si on trouve au sol des abeilles à l’abdomen gonflé et aux pattes en partie paralysées, on peut penser à la Nosémose. C’est plus probable encore lorsque à l’ouverture on découvre des cadres souillés de déjection. Maladie intestinale produite par Nosema Apis, protozoaire, reclassé bactérie aujourd’hui, qui détruit l’intestin des abeilles adultes. Elle existe à l’état latent dans de très nombreuses colonies, elle s’exprime notamment après des hivers longs, humides. Elle disparait généralement en été. Les colonies ne peuvent résister à une infestation massive. La transmission de la maladie se fait par la dérive, par les mâles qui entrent naturellement dans toutes les ruches, par le pillage.

Nous n’avons plus aucun médicament à notre disposition depuis que l’antibiotique, le Fumidil B n’a plus d’AMM. Seule la prévention est possible en choisissant des rucher hors de l’humidité et bien ensoleillés. On peut toujours tenter d’isoler les ruches qui semblent les moins contaminées dans un rucher très éloigné (plus de 3 km) pour les surveiller, et détruire les colonies très infestées. Le rucher est de toute façon contaminé. Comme Nosema Apis est présent dans pratiquement toutes les colonies en permanence ce sont les conditions environnementales ou de conduite des colonies qui sont la principale cause d’expression de la maladie.

L’équipe d’Yves Le Conte à l’INRA d’Avignon a montré que les abeilles porteuses de très peu de Nosema Apis (qui ne les tuent pas dans ces conditions d’infestation) mouraient très rapidement de la Nosémose dès lorsqu’elles avaient ingéré de très faibles doses d’Imidaclopride. Les perforations que ce néonicotinoïde (insecticide systémique) provoquent dans la paroi intestinale servent de porte d’accès à Nosema pour se développer dans la paroi intestinale, lieu de son développement naturel.
Ce travail de recherche est très intéressant car il montre comment les insecticides systémiques peuvent agir par combinaison de facteurs alors que seuls ils sont réputés sans danger pour les abeilles. Notre problème est que nous ne pouvons pas éradiquer Nosema Apis, hôte naturel des abeilles.
Les ruches en zones de cultures traitées avec de l’Imidaclopride (Gaucho, Cruiser, Confidor, Ferial, Imprimo,…) peuvent mourir en masse de Nosémose alors que les mêmes colonies en zones protégées de ces produits ne disparaîtront pas, n’exprimant pas la maladie.

L’état des populations : Dans la colonie, l’observation de base est d’estimer le nombre d’inter-cadres occupés par des abeilles, puis à l’ouverture le nombre des cadres de couvain? trouve-t-on la reine marquée de l’an passé ? Si oui tout est ok, si non il ne faut pas la chercher tout de suite, il fait encore froid et il ne faut risquer de tuer le couvain en le refroidissant longtemps. Bien noter toutes ces observations. On peut déjà trouver 4 voir 5 cadres de couvain, bien repérer ces ruches, elles devront faire l’objet d’un essaim artificiel plus tard ou tout de suite si vous avez hiverné des reines en nucléis. Elles pourraient devenir essaimeuses plus tard.
A tout hasard, en l’absence de maladies avérées, un équilibrage des colonies est possible en les mettant toutes au même nombre de cadres de couvain par déplacement de cadres de couvain fermé d’une ruche vers l’autre (sans abeilles dessus).
Bien noter les colonies prélevées et les receveuses. Si dans deux mois les colonies les plus faibles, ayant reçu un ou plusieurs cadres de couvain fermé sont toujours « merdiques » détruire les reines ce sont des non valeurs.
Des colonies sont mortes, le plus courant est une infestation par varroa qui a affaibli les colonies au point qu’elles n’ont pu survivre l’hiver. Il faut se recaler sur les traitements et le suivi sanitaire. Adressez-vous à votre GDSA ou à votre association sanitaire apicole, l’apprentissage des traitements contre le varroa est indispensable. l’amateurisme, les recettes maisons, les à peu près conduisent à des catastrophes tant varroa est la source d’entrée de bien des viroses inconnues jusqu’alors et le support explosif des maladies traditionnelles.
Le décès des colonies peut aussi être le renouvellement trop tardif ou absent de la colonie en début d’hiver qui assure la présence de jeunes abeilles au moment où les autres ont atteint leur limite maximale de vie. Bien d’autres causes sont possibles, selon qu’il y a ou non du miel en quantité, seul un technicien sanitaire un peu pointu serait à même de vous donner un avis qualifié. N’hésitez pas à contacter votre GDSA, il n’a pas pour seule fonction de vendre du médicament !

Le nourrissement spéculatif

Bricoleurs s’abstenir !
L’an passé vous avez sans nul doute noté avec précision les dates de démarrage des grandes miellées sur lesquelles vous espérez faire une récolte. Donc on part du principe que les dates seront un peu voisines (elles le sont d’autant plus que le printemps touche à sa fin, les miellées les plus précoces se font sur des plantes très réactives aux conditions météo, par contre plus on avance dans le temps moins les dates changent année après année).
40 jours avant cette date vous donnez deux fois par semaine un litre ou 1/2l de sirop aux colonies qui deviendront des récolteuses d’enfer. Ce sirop donné tiède le soir, sera composé de 50% d’eau et 50% de sucre en poids. Ces colonies seront impérativement des colonies dotées de reines nées en 2010 sinon ce sera l’essaim assuré.
Ce nourrissement sera stoppé au bout de 20 jours.
Au démarrage de la miellée mettre immédiatement deux hausses, puis si les abeilles les habitent rapidement, en mettre immédiatement une troisième, quitte à ce que la reine monte y pondre. Il ne faut pas risquer un engorgement du nid à couvain par le nectar. Il se produirait une mise en essaimage.
Les professionnels utilisent ce procédé, puis une fois la miellée passée, ils extraient et emmènent leurs colonies sur d’autres miellées, cette méthode de travail engendre de grosses populations dont la transhumance entretient la ponte de la reine.
Quels risques ? L’essaimage si on arrive avec la croissance massive de la population au moment où il n’y a pas de miellée, ou la famine si la miellée est passée et que des abeilles nombreuses sont présentes dans une colonie pauvre en miel. L’apprenti aura au moins la satisfaction de produire des essaims artificiels. Car s’il découvre des cellules de reines il pourra faire des essaims par la technique de l’éventail comme Pierre Jean-Prost l’indiquait dans son ouvrage et que j’ai repris dans les miens.

Bon travail.

Jean Riondet auteur de « Un rucher dans mon jardin » (en vente chez l’auteur jean.riondet@gmail.com) et de « L’apiculture mois par mois » (Ulmer éditeur).

Le mois de février c’est également la période à laquelle se soucier de l’élevage des poules visitez le site http://www.poules-elevage.com/

Auteur Jean Riondet

Apiculteur de longue date, Jean Riondet est un passionné qui aime apprendre et transmettre. Parallèlement à l’entretien de ses ruches, il enseigne l’apiculture depuis plus de 35 ans dans la région lyonnaise. Auteur d’un premier ouvrage, Un rucher dans mon jardin (Nathan, 1995), il rédige depuis l'an 2000 diverses rubriques d'abord dans la revue Abeilles et fleurs, puis dans la revue L'abeille de France. Il anime le blog de conseils apicoles sur Beehoo. Ses ouvrages actuellement disponibles : L'apiculture mois par mois - Le Rucher durable - Installer un premier rucher - Élever ses reines, trois méthodes simples. Il participe activement au Groupement d'action sanitaire apicole du Rhône (GASAR) qui assure la formation continue des apiculteurs du Rhône https://gasarhone.fr/ Jean Riondet est chevalier dans l'ordre du Mérite agricole

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