Noël aux balcons, Pâques aux tisons.
Ce adage est d’actualité, les colonies ont eu très chaud depuis décembre et le mois de mars s’annonce calamiteux. Froid, humide avec des passages ensoleillés, ce qui sur des colonies fort développées va provoquer des essaimages rapides. Le premier essaim naturel dont j’ai entendu parler dans notre Région fut cueilli près de Grenoble fin février. Du jamais vu ? Peut être.
Au rucher
Une visite rapide
Dans les moments tièdes et ensoleillés d’une journée, visiter les ruches devient impératif pour faire le point sur l’état des couvains. Mi février j’avais repéré des colonies sur 6 cadres de couvain, dans les grosses qui n’avaient pas été divisées.
Un rapide bilan fait, on notera celles qui feront l’objet d’une division ou d’un essaim nu dès que possible et celles pour lesquelles un délai d’attente serait encore possible. A l’évidence, celles qui possèdent des CR devront être divisées de suite, les autres seront à faire essaimer ultérieurement si elles atteignent ou dépassent 6 cadres de couvain.
Nourrir
Plus que jamais, nourrir au candi protéiné dans la plus part des régions où le froid revient. Les abeilles élèvent un important couvain qui nécessite beaucoup de chaleur (34°c pour la nymphose). Donc la tétanisation (ou le frissonnement) de leurs muscles du thorax requiert beaucoup de sucres pour produire les 40°c indispensables de leur plaque ventrale qui rayonne sur les cellules operculées. Avec les races les plus prolifiques, les couvains sont pléthoriques, les réserves internes ont été largement consommées. La famine peut s’instaurer et des mortalités apparaitre. Les abeilles n’abandonnant pas aisément leur couvain fermé, elles peuvent parfaitement y mourir de faim dessus.
Si elles manquent de sucres, leur chauffage devenant déficient, des couvains refroidis pourraient apparaître et engendrer des abeilles mal développées, de piètre qualité pour la suite c’est à dire au moment où de bonnes éleveuse et de bonnes butineuses seront utiles.
Pourquoi apporter des protéines végétales ? C’est la base de la nourriture des larves, donc pour maintenir le développement du couvain ouvert, par prudence, il faut apporter des protéines végétales à un moment où nous n’avons pas le temps d’ouvrir suffisamment pour estimer les réserves en pollen encore disponibles. Or, plus que la diversité des pollens, normalement indispensable, la quantité de protéine apportée est stratégique, donc tant pis si nous n’en apportons que d’un seul type il y en a eu bien d’autres rentrés depuis des mois. Le risque de déséquilibre protéique est plus que limité
Pour les stimulations, le sirop est toujours possible. Un verre versé sur un couvre cadre nourrisseur pour une belle colonie qui se promène sur ce couvre cadre suffit. Autre manière, dans un cadre nourrisseur il restera acceptable du point de vue température longtemps dans les ruches.
A l’atelier
Cirer des cadres comme toujours. On peut appliquer la méthode d’un collègue avec une lame de cire au sommet et une barrette dans la diagonale, c’est rigide, généralement bien construit et pas coûteux. Ces cadres faits de cire purement issue des abeilles de la colonie sont très hygiéniques et parfaitement bio. On bénéficie d’un peu plus de faux bourdons. On en coupera des morceaux pour éliminer des varroas !
Varroa
Très présent aujourd’hui, des mesures biotechniques seront à prendre immédiatement. Les essaims naturels et artificiels seront à traiter également de suite Les essaims naturels sont à surveiller de très près car, parfois, l’essaimage est provoqué par un parasitage extrême. Par prudence ne pas ajouter un cadre de couvain ouvert pour stabiliser un essaim naturel. Pour éviter sa désertion immédiate, lorsqu’il est très largement rentré dans la ruchette, l’enfermer immédiatement dans un local aveugle durant 48 heures, le placer dans le rucher par la suite et le nourrir abondamment, le traiter contre varroa sur le champ. C’est la meilleure méthode pour obtenir une colonie très saine avec une jeune reine.
Ne jamais oublier que du point de vue de la ponte, une reine bâtarde de l’année sera presque toujours meilleure pondeuse qu’une reine de compétition âgée de deux ans ou plus.
Les TSA
J’ai été interpellé à plusieurs reprises sur ce qu’étaient les TSA dont on parle dans la nouvelle gouvernance sanitaire.
Les Directions de la santé animale dans les DDPP ou DCSPP n’auront plus de techniciens sanitaires ni ne pourront faire appel aux Agents Sanitaires Apicoles (ASA) indépendants ayant pour mission de se déplacer dans les ruchers et constater les situations de maladies, d’intoxications… Ce seront des vétérinaires libéraux mandatés par l’administration qui seront chargés de faire les diagnostics pour les maladies de premières catégories donnant lieu à des mesures de police sanitaire (loque américaine, nosémose, Aethina tumida).
Mais les vétérinaires peuvent estimer ces déplacements peu rentables alors ils pourront conventionner avec des techniciens sanitaires apicoles (TSA) qui iront observer pour eux les signes cliniques des maladies, car seul le vétérinaire a le droit de poser un diagnostic.
Qui sont ces TSA ?
Les textes ne sont pas encore sortis, mais ce seront probablement les mêmes personnes que celles qui, pour les PSE, font les visites sanitaires. Depuis de nombreuses années la FNOSAD (Fédération nationale des organisation sanitaires apicoles départementales) a mis en place des formations dont un cycle de 5 journées pour les personnes chargées de faire les visites sanitaires des PSE sous l’autorité du vétérinaire en charge du PSE.
Si tel n’était le cas alors on pourrait craindre le pire. L’inflation des diplômes est un mal bien français. Ne sachant définir un niveau de compétence (expérience, savoir faire…) on s’en remet à la qualification (le diplôme) alors on ira chercher des BTS, des Dut, des bacheliers, pourquoi pas tant qu’on y est des doctorats ! On aime bien les Bac ++ … pour les payer avec un lance pierre. Non faut arrêter.
Essayons nous à un petit exercice : TSA veut dire Technicien sanitaire apicole
Déclinons chacun des termes :
APICOLE = ce sont des apiculteurs, des personnes connaissant l’exercice de l’apiculteur donc ayant quelques années de pratiques, ayant plusieurs ruches … observer des ruches, des abeilles, des couvains, des colonies est une compétence c’est à dire un savoir issu de l’expérience. Donc du temps passé dans des ruches ; pas un savoir livresque appris sur les bancs d’une école. Le TSA est de ce fait « d’un âge » comme on dit à Lyon, mais en apiculture. on peut avoir 20 ans et déjà brasser des ruches depuis 10 ans et bien connaître la vie des colonies : leurs agitations, leurs odeurs, leurs bruits, leurs formes de développement… Ce devrait être la base du recrutement des TSA.
On ne pourra donc pas leur apprendre l’apiculture au titre d’une formation réglementée de quelques jours. Exit du programme la partie apiculture.
SANITAIRE = la connaissance requise est celle des maladies, de leur prévention (à l’exception pour varroa, il n’y a pas de médicaments autorisés pour les maladies des abeilles, donc seule la prévention compte), des réglementation à propos de ces maladies, de l’organisation des structures sanitaires, de la nouvelle gouvernance sanitaire… Un apiculteur ne connait pas vraiment tout cela, là sera le cœur de la formation.
TECHNICIEN = ce n’est pas un vétérinaire, il n’a pas le droit de poser un diagnostic, mais il doit collecter des signes cliniques, faire des observations méticuleuses, noter, relever des informations, échanger avec l’apiculteur, parler avec lui d’égal à égal, en confiance. La formation portera sur les techniques d’observation, d’identification, de prélèvement, de collecte des informations et de l’échange avec l’apiculteur.
Donc exit de la formation, ou presque, tout un ensemble de matières comme la biologie, la virologie, l’infectiologie… vue de façon universitaire, vétérinaire en somme (c’est de l’ironie bien sûr!). On restera centré sur la pratique de l’observation et de la restitution des informations collectées.
Donc la formation devra accroître les capacités d’observation, la manière de construire une observation, de la rédiger. En cela on pourrait s’inspirer de la méthode Coleval mise au point par l’INRA (Avignon) pour apprécier par des méthodes visuelles le volume des couvains, le nombre des abeilles… Dans notre cas, par de multiples photos, vidéos, apprendre à reconnaitre un état sanitaire sain, un état sanitaire douteux, les signes cliniques des loques, des maladies virales, des intoxications aiguës ou latentes, de la nosémose, des mycoses. De la même manière apprendre par des méthodes visuelles la façon de préparer la visite sanitaire, de conduire une ouverture de ruche, de faire un prélèvement, d’estimer une situation à risque…
Tout cela serait fait avec force diaporamas, vidéos … à domicile. La phase du présentiel serait possiblement très limitée, mais très importante pour fournir les compréhensions que seule la communication en face à face peut apporter. Il faudra sans doute réaliser des exercices pratiques en simulation de visites, pour juger des savoir faire et savoir être des candidats…
Cette formation sera courte, de quelques jours, une semaine tout au plus car avec les moyens actuels de formation à distance (e-learning, Mooc) si on veut pouvoir trouver des personnes compétentes, alors que le revenu issu de leur activité TSA sera anecdotique chaque année, on ne peut leur demander de consacrer trop de temps à une formation en présentiel ; surtout si c’est un actif qui devra s’entendre avec son employeur.
TSA est-ce un métier ? Certes non, tout au plus une mission, comme il en existe de nombreuses dans notre système administratif (représentants des usagers, membres des comités d’experts donneurs vivants, représentants des locataires, médiateurs …).
La formation devra donc s’appuyer sur les qualités techniques antérieures et humaines de cet apiculteur sélectionné par le vétérinaire avec lequel il aura conventionné.
Jean Riondet
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