Novembre 2010 – Un mois de repos mais déjà le candi

Le froid est là, dès octobre le temps fut rude l’été indien habituel n’a pas eu lieu, les colonies puissantes ont largement entamé leurs provisions. La surveillance doit être serrée. Le 13 novembre à Lyon les abeilles rentrent du pollen, signe que la ponte de la reine est encore d’actualité. Les traitements anti-varroa sont à maintenir.

Au rucher

On vit l’inévitable entretien des ruchers : débroussaillage, labours pour arracher les ronces les plus tenaces et les herbacées vivaces.
Même si les abeilles s’arrangent des obstacles naturels, leur libérer l’entrée en pleine saison en évitant les hautes herbes est un plus appréciable. Pour faire durer la propreté du devant des ruches, il sera temps en février ou mars de sarcler de nouveau puis de dérouler une bâche à talus sur 1m de largeur et l’ancrer au sol. Ce travail est un peu long et je vous conseille de prendre de la bâche neuve, elle durera plus longtemps que des bâches de récupération qui au bout de deux ans partent en lambeaux.
C’est aussi l’époque de l’installation des supports. Utiliser des parpaings pour les ruchers sédentaires est une bonne formule, surtout si on utilise les plus grands modèles, de 50cm, posés en croix sur deux hauteurs. Travailler debout fait durer le dos et l’apiculture.

Avec une vis dans le plateau de sol ou sur la face arrière de la ruche pesez les caisses avec un peson. En pesée arrière sur une Dadant 10c avec un toit en tôle et la face avant à l’aplomb des supports, le poids doit être de 20k ou plus. Au total elle fait plus de 40 k, sachant qu’une caisse avec ses cadres et la cire pèse 20k à vide, 20k d’abeilles et de miel permettent de passer l’hiver.
Toute ruche pesant entre 17 et 20k doit faire l’objet d’une surveillance mensuelle, en dessous il faut déjà poser un pain de candi sur le trou du nourrisseur. Il doit être de grand diamètre 50mm au minimum pour que l’humidité de la ruche y passe abondamment et que le sucre soit rendu souple. Ceci est particulièrement important si vous utilisez des kilos de sucre en morceaux ou des candis secs. Les candis apicoles du commerce sont souvent enrichies de glucose de sorte que le candi reste très souple. Recouvrez le tout d’une bâche à bulle transparente vous verrez sans trop refroidir la colonie l’état de consommation du candi.

Sur mes nucléis à un seul niveau j’ai déjà mis du candi et sur trois de mes ruches également. Je verrai si elles passent l’hiver. L’une devrait crever car ayant constaté qu’elle était orpheline, je lui ai mis une reine encagée… mais en oubliant d’enlever la portière de sortie. la reine est morte sur son candi. Faire des conn… n’empêche pas d’en refaire!

Pour les ruches à plateau de sol grillagé, soit on en réduit la surface en introduisant une plaque de fermeture sur les 2/3 de la surface soit on pose la caisse sur une hausse vide de cadres. On limite les refroidissements intempestifs qui ralentirait le démarrage de la ponte en cours d’hiver. Il faut laisser les plateaux aérés pour évacuer l’humidité plus toxique pour les abeilles que le froid.

Question sur les Warré d’un lecteur de Haute Loire
Le développement des essaims dans les WARRE me semble plus rapide que dans les ruchettes Dadant, et de ce fait, je rejoins votre point de vue publié dans « Abeilles et fleurs » que c’est un bon modèle de ruche d’élevage. Par contre, elle me semble plus difficile à conduire pour la production de miel pour cause d’essaimage. Avez-vous des Warré pour la production de miel. Si oui, comment se comportent elles ?

Selon la force des miellées, la durée de l’hiver, la prolificité des reines, tel ou tel modèle de ruche convient plus ou moins. Deux grands modèles de ruches, les divisibles et celles à hausses. Les divisibles ont un intérêt majeur, l’unicité du matériel, de l’élevage à la récolte du miel un seul type de caisse, de cadres… c’est économique et en argent et en perte de temps.

La conduite des colonies se fait à la caisse et non au cadre. on travaille par éléments entiers en division, réunion, récolte… Ce sontt la Langstroth, la Warré, la divisible Voirnot carrée. A une époque un apiculteur, monsieur Grollier avait vanté les charmes des divisibles Dadant en superposant des hausses. Le principe de base, la méthode Perfect qui est aussi celui de l’abbé Warré, est de mettre les caisses vides par le dessous et on récolte la caisse supérieure lorsqu’elle est pleine.

Second type de ruches : les ruches à hausses avec un corps du double en hauteur de celle de la hausse. Les cadres de hausse peuvent servir pour faire des nucléis, on fait des divisions par enlèvement de cadres, on agrandit avec ajout de hausses par le dessus… Le modèle le plus répandu est la Dadant, mais la Voirnot également puisque en cas de divisible on utilise des hausses superposées.

Qualités et limites de ces modèles

L’unicité du matériel fait des divisibles leur atout principal. Ensuite la taille des ruches va se faire en fonction des miellées. Dans les zones à miellées constantes donc faibles, la Warré convient bien car de petite taille, elle peut se développer régulièrement. L’ajout de caisses par le dessous marche bien. Au fur et à mesure de l’expansion du couvain et de l’arrivée de nouvelles abeilles, les constructions de rayons neufs en dessous se font tout au long de la saison.
Dans les zones à miellées fortes et en cas de transhumance systématique, la Langstroth convient mieux, sa grande taille pour le miel ne nécessite pas de trop surveiller son remplissage, mais elle se conduira un peu comme la Warré sauf en cas de très brutale miellée où les caisses s’ajoutent sur le dessus. Les années où les colonies sont minus, la Langstroth a l’inconvénient d’avoir du couvain à tous les étages. La récolte doit se faire au cadre pour ne prendre que ceux contenant du miel.
Mais la limite des divisibles réside essentiellement dans le fait que les caisses ont toutes le même nombre de cadres. D’où une certaine difficulté lors de la récolte pour désoperculer car les rayons ne vont guère déborder les montants des cadres. Alors pour résoudre cette limite, dans les caisses carrées (Voirnot et Warré) on peut faire 4 feuillures au sommet, deux cotés sont équipés de crémaillères à écartement pour le couvain soit 37,5mm entre-axes et le deux autres avec des crémaillères pour hausses entre-axe à 42 mm. Les cadres mis dans un sens le sont pour le nid à couvain, dans l’autre pour le stockage du miel.

Mais le couvain occupe alternativement toutes les caisse au fil du temps, d’où des rayons qui vieillissent vite et l’obligation de renouveler très rapidement les cires, ce qui est un avantage prophylactique mais qui pose le problème de la construction en début de saison qui se fait très lentement et qui est source d’essaimage en cas de miellée trop brutale.
Par ailleurs en conduite sous appellation biologique il est interdit d’extraire du miel de rayon ayant contenu du couvain, donc ces modèles conduits selon la méthode Perfect ne peuvent convenir en apiculture dite biologique.

Enfin la multiplicité des niveaux rend les visites très longues, cela énerve les abeilles, on a de l’agressivité, de la casse en plus grande quantité et le risque de tuer la reine est accru.
Bien des amateurs abandonnent ces modèles du fait de cette complexité de la visite.

Les ruches à hausse conviennent bien pour les zones à récoltes faibles ou cycliques. On peut ajouter des hausses autant que de besoin, et donc moduler l’agrandissement par le sommet (d’où risque de refroidissement. Cette année, par exemple, il fallut en certains cas mettre d’emblée deux hausses l’une sur l’autre sinon il y avait risque de blocage de ponte par top forte arrivée de nectar mis partout dans les espaces vides. Mais le corps de grande taille permet des réserves abondantes pour des hivers longs. La Voirnot plus haute avec un cadre moins large que la Dadant resserre davantage la grappe qui conserve mieux la chaleur, elle convient bien à cause de cela aux zones de montagne.

Et la Warré ?

Personnellement je ne converge pas vers le modèle d’origine à barrettes, car les contraintes introduites par le Varroa et la surveillance des maladies du couvain nous obligent à pouvoir disposer de rayons mobiles pour faire des visites complètes régulières. Je les équipe toutes de cadres, petits certes, minces, donc fragiles, cependant la mobilité des caisses permet de les coucher sur le coté pour décoller les cadres.
Avantages, la petite taille en font des ruches dont les colonies se développent rapidement au printemps du fait de la chaleur dans le couvain, on peut faire des divisions et de ce fait ce sont de bonnes colonies pour faire des nucléis d’élevage.

Mais il faut les surveiller davantage pour deux raisons :
– D’abord parce que le petit volume impose d’agrandir rapidement sous peine de blocage du nid à couvain et d’essaimage. Il faut agrandir par le dessus avec des cadres de cire gaufrée sinon elles ne construisent pas assez vite par le dessous et on produit un essaim, ensuite mettre des cadres si on charge par dessus sinon les abeilles construisent naturellement du bas en haut et malgré les barrettes avec des amorces de cire, les constructions sont dans tous les sens et bonjour la récolte !

– Ensuite parce que en regardant uniquement le sommet des cadres on estime difficilement la présence de miel et ses quantités de sorte que en inter-miellées on peut laisser ses colonies affamées croyant que le miel est suffisant. En effet, la petite taille des cadres conduit les abeilles à mettre certes du miel au plus haut mais bien souvent pas sur les bords en cas de ponte abondante. Dans les Dadant le couvain est toujours couronné de miel (sauf avec la Buckfast qui remplit des cadres complets de couvain en pleine miellée lorsque la ruche dégueule d’abeilles, il n’ y a pas d’autre terme !). Or dans les régions à miellée cyclique il faut nourrir entre les récoltes pour que la population reste très importante tout au long de la saison. Le miel récolté n’est que l’excédent de miel produit par un excédent d’abeilles, l’art de l’apiculteur étant de favoriser la production de cet excédent d’abeilles (ne l’oublions pas).

– Enfin la récolte sans extracteur c’est la galère, et je ne parle pas de la levée des corps de miel tous collés les uns aux autres si on n’a pas pris soin de mettre une cale de 10mm entre le corps de couvain et le premier de miel. Cette ouverture facilite le passage des butineuse qui ne viennent pas encombre le nid à couvain mais aussi pour y passer un couteau à jambon et couper les rayons collés aux barrettes inférieures. Si par malheur trop de miel coule on provoque le pillage dans le rucher.
Si les Warré sont équipées de cadres, la récolte se fait comme d’habitude mais la petite taille des cadres conduit à en avoir davantage à extraire pour un même volume de miel. Ce travail est une perte de temps pour un professionnel, pour l’amateur ce n’est pas vraiment une contrainte. A noter que tous les extracteurs radiaires acceptent ce type de cadre puisque la cage est toujours réglable en hauteur. Avec des reines prolifiques et des années à miel, la hauteur de l’empilement peut atteindre 3 mètres la stabilité et le confort de l’apiculteur en prennent un coup!

La Warré est une ruche comme les autres avec ses caractéristiques propres. Avantages et inconvénients se combinent comme pour tout modèle seul compte en fin de compte sa maîtrise par l’apiculteur et sa connaissance de l’apiculture et donc sa capacité à s’adapter à la conduite imposée par ce modèle de ruche. Marc Gatineau a exploité plus de 300 ruches Warré, il en fit son métier, ce n’est donc pas un modèle archaïque. Gilles Denis dans la Loire fait de même.
C’est une très bonne ruche pour amateur qui passe du temps au rucher, elle est très pédagogique car on a vite compris que seules les colonies puissantes peuvent survivre et apporter des satisfactions.
Par exemple, l’essaimage artificiel fait par séparation des éléments suppose des populations très abondantes, ce qui est naturellement visible en Warré, par contre un essaim artificiel sur 3 cadres fait en Dadant pris sur une colonie misérable produit deux colonies misérables mais on a l’illusion durant la saison que ça marche. Pour un professionnel qui vit de la vente des essaims, la Warré est un très bon modèle pour leur multiplication. En une journée il fait près de 3 fois plus d’essaims artificiels en Warré qu’en Dadant. Pour qui vit de la vente du miel elle nécessite beaucoup plus de manipulations et donc sa rentabilité est moindre.

La Langstroth est la divisible la plus adaptée pour un professionnel qui transhume sur des zones très mellifères, les corps de miel sont grands, certes lourds mais l’extraction prend moins de temps à volume de miel identique… enfin en matière de conduite la Langstroth est une ruche à 10 cadres, elle se conduit comme une divisible et comme une Dadant.

Jean RIONDET

Auteur Jean Riondet

Apiculteur de longue date, Jean Riondet est un passionné qui aime apprendre et transmettre. Parallèlement à l’entretien de ses ruches, il enseigne l’apiculture depuis plus de 35 ans dans la région lyonnaise. Auteur d’un premier ouvrage, Un rucher dans mon jardin (Nathan, 1995), il rédige depuis l'an 2000 diverses rubriques d'abord dans la revue Abeilles et fleurs, puis dans la revue L'abeille de France. Il anime le blog de conseils apicoles sur Beehoo. Ses ouvrages actuellement disponibles : L'apiculture mois par mois - Le Rucher durable - Installer un premier rucher - Élever ses reines, trois méthodes simples. Il participe activement au Groupement d'action sanitaire apicole du Rhône (GASAR) qui assure la formation continue des apiculteurs du Rhône https://gasarhone.fr/ Jean Riondet est chevalier dans l'ordre du Mérite agricole

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