Chacun repoussera le plus longtemps possible la récolte pour avoir un peu de miel cette année. Mais une fois celle-ci faite, le temps des traitements est là. Il faut que Varroa destructor soit destroyed.
La survie des colonies en hiver en dépend. La combinaison des pesticides, fongicides, herbicides boostent les maladies normales des abeilles provoquant des états sanitaires déplorables. Cet état funeste ajouté à Varroa, les colonies sont maintenant menacée par l’arrivée de la morte saison.
On pense que la survie hivernale des abeilles qui était en moyenne de de 160 jours dans les années 1980 aurait chuté aux alentours de 110 à 120 jours. Ces 30 à 40 jours de perdu amènent les abeilles d’hiver à mourir de vieillesse avant que le couvain n’ait pu se développer de manière significative, c’est à dire que la reproduction de la population ait redémarré. Notre travail jusqu’à la morte saison sera de compenser cette situation délétère. D’abord bien nourrir, puis bien traiter. Les traitements sont d’autant plus efficaces contre varroa que l’état sanitaire des colonies est bon.
Du coté du miel
La première récolte chez moi eut lieu fin juin, modeste et uniquement sur des colonies qui étaient à plus de 6 cadres de couvain lors de la première visite de fin d’hiver en mars.
C’étaient plus généralement des Buckfast. Particulières à élever, elles se sont révélées performantes face à ce drôle d’hiver.
Ensuite le miellat s’est mis à couler, pucerons puis Metcalfa pruinosa ou encore appelé Cicadelle. Pour ceux qui aiment ces miels assez parfumés et forts, la récolte fut bonne.
Entre l’exceptionnelle année dernière et celle-là, la moyenne reste tolérable surtout pour ceux qui ont pu garder leur stocks et ne pas brader la récolte 2011, ils auront encore de quoi vendre cette année. L’ensemble de l’Europe ayant connu des désordres météo, les cours internationaux grimpent. La France continue d’importer des tonnages de miels supérieurs à sa propre production pour satisfaire le marché intérieur.
Le nourrissement d’été
Les abeilles ont besoin pour passer l’automne et l’hiver d’un volume important de miel. La constitution de cette réserve requiert de l’énergie et provoque le vieillissement des butineuses. Or, il faut que reste dans la colonie uniquement des abeilles d’intérieur, celles qui n’ont jamais été butineuses. Les apports de sucre devront être faits le plus rapidement possible.
Donc fin de ce mois de juillet au plus tard, il faut apporter du sirop concentré (2k de sucre, 1l d’eau, 5cl de vinaigre d’alcool ou d’une décoction à saturation de propolis dans de l’alcool à 60° ) par nourrisseurs entiers de manière à saturer la colonie. Les nourrisseurs seront remplis autant de fois que nécessaire jusqu’à ce que 2/3 des cadres soient bien pleins.
En fait, les abeilles vont mettre ce sirop partout, bloquant la ponte de la reine. Continuant à le concentrer, elles libéreront peu à peu l’espace de la ponte et du couvain devrait apparaître en août puis occuper un espace de l’ordre du 1/3 des cadres disponibles. Le rapport 2/3 miel 1/3 couvain est un bon point de repère.
Fin aout au plus tard, il sera temps de visiter les colonies pour vérifier l’état des stocks, enlever tous les cadres vides et ceux pleins au quart seulement, mettre des partitions pour resserrer la colonie sur le plus petit nombre de cadres possibles. Une colonie sur 5 cadres de miel bien pleins devrait passer parfaitement l’hiver.
Un nourrissement au sirop concentré sera de nouveau utile pour faire compléter les cadres sur toute leur hauteur, enfin le plus possible, de manière à ce qu’en cours d’hiver les abeilles aient de quoi manger en cas de longue période de froid où elles ne se déplacent pas sur tous les cadres de la ruche mais seulement ceux les plus proches de la grappe. Si par malheur elles sont sur un endroit peu pourvu, elles resteront là et y mourront de faim alors que de l’autre coté il y avait du miel. Il faut donc que les colonies soient populeuses et le plus regroupées possible sur des cadres de miel. Si les réserves se révélaient insuffisantes, il sera toujours possible d’apporter du candi directement sur la tête des cadres et maintenir la colonie en survie.
Des ajouts de suppléments alimentaires de type Api herb ou Protofil ou autres qui sont des préparations à base de plantes semblent améliorer très fortement l’état sanitaire du tube digestif des abeilles. Acheter des sirops certifiés pour l’apiculture ou utiliser de préférence des sucres de betterave ou de canne, car bien des sucres pas chers sont des inversions d’amidon et selon la qualité de la réaction enzymatique ils contiennent des sucres peu digestes pour les abeilles en plus ou moins grande quantité (lactose, dextrose, maltose). Donc fin aout on surveillera l’état du couvain de manière à ce que la ponte de la reine soit bien repartie. Enlever si besoin un cadre de miel pour le remplacer par un cadre bâti au centre de la grappe ce qui fera de la place pour la ponte de la reine. Nourrir par petites quantités d’un sirop léger 50/50 entre 2 et 3 x semaine et surveiller le développement de ce couvain. Ces abeilles nouvelles n’auront pas à butiner puisque l’espace sera totalement réduit et bloqué par du miel dans les cadres et elles ne feront rien, consommant pollens et parfois même du couvain ouvert lors des périodes de froid. Elles ne vieilliront plus restant aptes à nourrir la reine dès l’arrivée des jours plus longs, vers la mi janvier. Elles auront enrichi leur organisme de corps gras, support des nombreuses protéines dont les nourrices ont besoin pour fabriquer la gelée royale. Sur-nourries, ces abeilles sont appelées « abeilles d’hiver ». Ce processus est bien décrit dans l’article d’Etienne Bruneau sur « les clefs de la colonie » dans la revue Abeilles et Cie du Cari en Belgique (n°2/147 mars avril 2012); il fait un long développement sur le rôle des protéines qui permet de mieux comprendre le facteur négatif que représente varroa dans la gestion de la survie hivernale des colonies.
Le principe à retenir, des cadres pleins sur toute leur hauteur si possible, même en faible nombre, puis pousser la ponte la reine pour produire de la jeune abeille en septembre.
Si besoin on nourrira par la suite en morte saison au candi. On en reparlera en temps utile.
Les traitements
Le varroa est une des questions centrales de l’apiculture aujourd’hui et des plus mal connues des apiculteurs. En effet, cet acarien vit en osmose avec les colonies, se développant dans le couvain et au rythme de celui-ci mais à une vitesse 2,25 plus rapide. Lorsqu’un blocage de ponte arrive (miellée exceptionnelle, froid, famine…) le varroa est immédiatement stoppé dans son développement et tout au long de la belle saison, ces blocages successifs en contraignent la présence. Sa durée de vie est de 90 jours, donc selon les périodes où ces blocages se produisent et leur nombre, les colonies arrivent à s’en accommoder. Mais qu’il n’y ait pas de blocages de ponte, que le couvain dure toute l’année (midi de la France et partout automne 2011), la présence du varroa est maximale, alors il n’est pas rare de voire les colonies s’effondrer en juillet / août sous la pression de ce parasite et des causes associées.
Ce prédateur pompe l’hémolymphe de l’abeille pour lui prendre ses protéines, dont la vitellogénine, régulatrice de la production de la gelée royale, des cires, des protéines de défenses immunitaires, d’évacuation des produits chimiques étrangers au corps de l’abeille… Bref la diminution de ces protéines affaiblit l’abeille qui ne peut se défendre spontanément contre les bactéries naturellement présentes dans son corps, contre les produits de traitement anti varroa, contre les produits chimiques collectés dans l’environnement. Bref, sa durée de vie est raccourcie, les reines ont une fécondité amoindrie, leurs défenses immunitaires abaissées.
Grosso modo la présence de varroa sur les abeilles serait du même ordre qu’un parasite d’au moins 80 g sur l’homme lui suçant le sang et autorisant la pénétration de bactéries, virus, champignons etc. par ces trous qui de surcroit ne cicatrisent pas chez l’abeille.
Tout cela pour insister sur la qualité des traitements à effectuer.
Les molécules disponibles sont très peu nombreuses, tous les traitements ont des effets délétères sur les abeilles, sur la fécondité des reines, sur leur durée de vie. On n’a obtenu aucun résultat significatif avec des molécules peu nocives. Le traitement anti-varroa peut être dangereux pour l’abeille mais aussi pour l’homme. C’est pour cela que l’on recommande de combiner une approche chimique avec une approche bio-technique (destruction de couvain de mâles au printemps)
Par exemple, l’emploi de l’acide formique qui est une solution possible, reste très dangereux à utiliser pour l’opérateur.
Les huiles essentielles sont difficiles à utiliser car très concentrées elles provoquent des désordres dans les colonies, trop diluées elles sont inefficaces. A tel enseigne qu’en apiculture biologique la lutte contre varroa est un vrai problème quasiment insoluble. Pourquoi ?
Les molécules de synthèse efficaces sont interdites en apiculture sous appellation biologique, donc restent les traitements à l’acide formique, oxalique, les huiles essentielles et la destruction de couvain de mâles au printemps en attendant les races d’abeilles hyper hygiéniques.
Or, hormis l’application de l’acide oxalique sur les abeilles hors couvain qui est un produit de contact, tous les autres produits agissent par évaporation, leur efficacité est totalement lié à la connaissance de l’apiculteur dans l’usage de ces produits très sensibles aux conditions de température, de pression atmosphérique, d’humidité. Trop de chaleur et ces produits s’évaporent trop vite et les abeilles fuient la colonie temporairement, trop froid ils ne s’évaporent pas suffisamment…
Car ces traitements d’ambiance ou les traitements « flash » pour l’application sur une très courte durée d’une dose élevée d’acide formique, donnent actuellement des résultats moyens étant donné la variété des situations climatiques en France, trop de varroas survivent et il faut répéter ces traitements. Quand traiter, combien de fois dans l’année, comment interpréter les tests pour savoir quel protocole utiliser… On attend avec impatience que de nouvelles manière de faire soient faciles à mettre en œuvre et à moindre risque nous soient proposées. Les travaux de Jérôme Regnault, apiculteur en Côte d’Or sont intéressants, reste à vérifier la possible extension de cette pratique.
Il a repris la méthode décrite par Chapleau au Quebec
http://www.agrireseau.qc.ca/apiculture/documents/8_Chapleau_JP_resume.pdf
Pour l’heure dans notre région de Lyon le traitement qui paraît le plus efficace est à base d’Amitraz. Ce sont des lanières à diffusion lente de l’Amitraz qui sont à poser la récolte faite et qui seront retirées lors de la première ouverture de fin d’hiver. Ces lanières doivent être placées dans le couvain au contact des abeilles naissantes, suspendues à un fil de fer pour être en totalité en contact avec les abeilles. Elles seront repositionnées régulièrement. Cette molécule est rapidement décomposée par l’humidité de sorte que l’AMM indique qu’aucun délai n’est à respecter entre le retrait des lanières et la pause des hausses. Attention aux fabrications maison, il est démontré que l’efficacité du traitement n’excéderait pas 72 heures tant l’humidité importante de la ruche décompose rapidement l’Amitraz. Pour l’instant on n’a pas d’étude qui donne des indications certaines sur le devenir dans la cire et dans le miel des produits de décomposition de l’Amitraz. N’utiliser que des lanières ayant une AMM (autorisation de mise sur le marché)
On peut commencer par un traitement à base de Thymol en juillet et Aout puis poser les lanières en septembre. Mais beaucoup se contentent d’un traitement à base d’Amitraz dès juillet.
A retenir, traiter au plus vite car en phase de réduction du couvain, les varroas adultes se concentrent sur les abeilles ne pouvant aller se reproduire dans les cellules de couvain et de ce fait les abeilles sont soumises à de très fortes prédations de protéines ce qui les conduit à des durées de vie très courtes, d’où des mortalités de colonies à cette époque de l’année.
Bonnes vacances
Jean RIONDET
jean.riondet@gmail.com
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