2011 sera une année marqué par l’exception. Des crises politiques et financières jamais vues simultanément, une sécheresse séculaire sur une bonne partie de l’Europe, des agriculteurs inquiets pour leurs bêtes et des apiculteurs heureux. Une fois n’est pas coutume! La chaleur précoce a permis le développement rapide des colonies durant l’hiver et au moment des floraisons de printemps le nectar a coulé à flot. L’humidité du sol convenait pour faire abonder le nectar. Reste à voir si les pluies de ce début de mois suffiront pour relancer les floraisons à venir. Le châtaignier donne à pleins tuyaux, les tournesols seront là avec trois semaines d’avance. Seront-ils riche en nectar ?
Du miel en abondance
Dans les régions où les floraisons ont pu bénéficier de pluies ou de sol gorgés d’eau, le nectar fut abondant. Ceux qui ont l’habitude de suivre leurs hausses auront tôt fait d’en ajouter une de plus tout de suite pour éviter les blocages de ponte. Les essaims sont partis à toute allure. Les récoltes successives de miel permettent des miels typés, encore a-t-il fallu suivre de près les remplissages, le colza et l’acacia se sont succédés, voire superposés. Là où la sécheresse fut présente les colzas donnèrent peu mais l’acacia à l’enracinement profond bénéficia d’une chaleur qui a maintenu les fleurs ouvertes longtemps, la récolte est exceptionnelle ici, quelconque là.
A titre indicatif, j’ai pesé une hausse Dadant sur 8 cadres bien débordante de miel et j’ai noté 30 k, caisse et rayons compris, de la même manière avec un élément Warré que j’équipe de 7 cadres, tous arrondis et se touchant de miel, j’ai relevé 20 k. Cette différence de poids peut soulager certains dos.
Pour ceux qui attendent juillet pour récolter, le mélange sera savoureux. Encore faudra-t-il que les abeilles n’aient faim, chose fort probable, elles mangeront une partie de la récolte tant les populations sont puissantes.
Suivre les essaims, préparer les traitements
Les essaims artificiels se font avec deux cadres de couvain, un cadre miel et leurs abeilles jusqu’en mai. En juin il faut mettre trois cadres de couvain et en juillet quatre cadres de couvain. Ceci afin de pouvoir disposer fin septembre d’une colonie sur au moins 5 cadres de couvain et de miel pour passer l’hiver.
C’est la théorie car aujourd’hui tous mes essaims du début d’avril sont déjà sur 5 cadres de couvain et de miel. Le nectar et le pollen rentrés en masse ont permis aux reines de pondre comme des folles de manière ininterrompue.
Mais pour ceux qui envisagent de faire des essaims bien respecter cette règle car on ne sait pas de quoi seront fait les mois à venir.
Ce modèle peut toujours être modifié, alors le nourrissement devra être constant y compris deux fois par mois avec des sirops protéinés. Il s’agira de soutenir la ponte de la reine et de fournir une alimentation de qualité afin d’éviter de trop petites populations et des abeilles carencées en protéines qui seraient de ce fait sensibles aux maladies et de courte durée de vie.
Ces trois cadres de couvain peuvent être pris dans trois ruches différentes, en prenant soin de parfumer tout le monde il ne se passe rien de bien grave. Par précaution, mettre ces essaims deux nuits en cave avant de les remettre dans le rucher.
Pour la reine, utiliser une reine d’élevage 2011, ou bien une cellule prête à naître ou un cadre contenant des œufs. L’idéal est de nourrir tous les trois jours avec 1/4 de litre de sirop 50/50 donné tiède le soir. Cela évite un stockage excessif et produit une consommation rapide et généralisée par toute la colonie ce qui maintient la ponte de la reine à haut niveau et pousse les cirières à construire.
Avec cette pratique on construit des cires jusqu’en septembre.
Dans les faits, selon les contraintes de temps et de déplacement, ce peut être 1l une fois par semaine. Le résultat sera moins spectaculaire mais néanmoins efficace.
Traiter les essaims avec une lanière d’Apivar (spécialité pharmaceutique dont la molécule est l’Amitraz) pour contrer le varroa jusqu’en aout puis un traitement à l’Apilife Var (spécialité pharmaceutique) suivi en octobre d’un traitement de nouveau à l’Apivar maintenu jusqu’à la première ouverture d’hiver. Attention, l’Apivar est un produit qui agit par contact il doit être dans le nid à couvain pour toucher les jeunes abeilles qui naissent enduites de varroas et la lanière bien descendue dans le rayon avec un fil de fer pour ne pas perdre la partie de la lanière qui se situerait au niveau de la tête du cadre.
Se procurer de l’Apilife Var pour traiter l’ensemble du cheptel dès la fin des récoltes en juillet. Cette spécialité faite d’un mélange de molécules et d’huiles essentielles de camphre, menthol, thymol et eucalyptus se révèle très efficace pour réduire très fortement l’infestation. Mais insuffisante pour protéger les colonies contre varroa au cours de la morte saison.
L’Apilife Var est un produit d’ambiance qui sature l’atmosphère de la ruche, il n’agit que si la température est suffisante (20 à 25°c en extérieur) et si l’humidité n’est pas trop élevée. Un temps froid et humide rend le traitement peu efficace. Ce médicament n’est donc pas à utiliser en fin de saison.
Cette année à cause de la chaleur tous les acariens et insectes se développent à foison. La ponte continue des reines favorise le développement du varroa qui est 2,5 fois plus rapide que celui de l’abeille. En juillet, la ponte va se restreindre, les colonies diminueront en population et les varroas très nombreux dépasseront en nombre celui des abeilles et entraineront vers une mort certaine beaucoup de colonies. Ce phénomène bien décrit par les chercheurs est à l’origine de la plus part des mortalités de juillet / août.
Du bon usage des traitements
Lutter contre le varroa est une priorité absolue. A défaut de pouvoir influer à court terme et de manière efficace sur l’environnement floral et pastoral, l’apiculteur peut au moins préserver son cheptel des méfaits de Varroa destructor. Cet acarien se reproduit dans la cellule durant le cycle de reproduction de la larve. A partir d’une femelle venue se cacher dans la gelée larvaire, il sort de la cellule lors de la naissance de l’ouvrière ou du bourdon de 2 à 4 varroas femelles qui après quelques jours passés sur une ouvrière iront de nouveau se nicher dans une cellule où une larve est en cours d’alimentation en gelée royale.
Une fois la cellule operculée la femelle varroa s’installe pour se reproduire. En particulier, elle perfore l’abdomen de la larve et enduit ce trou d’un hydrocarbure qui empêche la cicatrisation. L’ouvrière à naître sera définitivement blessée et par cet orifice entreront des bactéries qui en raccourciront la durée de vie. De plus le varroa pour se développer a besoin de protéines et il consomme celles de l’abeille. Dès sa naissance, celle-ci est carencée et sera plus fragile face aux maladies. Aux dégâts durant la nymphose, s’ajoutent ceux durant la vie adulte, car les varroas s’installent sur les abeilles et, pour leur consommer leurs protéines, leur perforent les membranes intersegmentaires qui sont les parties souples entre les anneaux de l’abdomen.
Les abeilles ainsi exploitées par ce parasite sont fortement fragilisées et meurent jeunes.
La lutte contre le varroa doit être impitoyable, trop d’apiculteurs appliquent les médicaments autorisés de manière approximative, parfois certains utilisent des produits interdits ou totalement inefficaces.
Les groupements de défense sanitaire apicoles qui ont obtenu la validation par l’administration vétérinaire régionale de leur Programme sanitaire d’élevage disposent d’un vétérinaire qui supervise pour leurs adhérents les protocoles de traitement. Ces GDSA ont possibilité d’acquérir pour leurs adhérents (et seulement eux, c’est une dérogation au Code de la Santé publique) les médicaments à prix abordables.
Adhérez à ces groupements s’ils existent dans votre département ou les départements voisins. Vous aurez la garantie de traiter vos colonies selon les règles de l’art vétérinaire, vous bénéficierez de conseils, de formations et même d’une visite sanitaire de votre rucher qui vous sera proposée par un collègue formé spécifiquement pour vous accompagner dans la bonne connaissance des risques sanitaires sur vos colonies.
Commandez vos médicaments maintenant car ces groupements ont l’autorisation de les distribuer sous condition de commandes préalables de la part de leurs adhérents.
J’insiste sur ce point car cette année sera catastrophique du coté du varroa. Toutes les conditions sont réunies pour qu’il soit plus que présent dans les colonies. En particulier il n’y a pas eu de blocage de ponte depuis la reprise de la ponte des reines cet hiver, ce qui est une des modalités de ralentissement du développement de l’acarien.
A l’euphorie due à la surabondance du miel succèdera le désespoir des mortalités massives. Tentons au moins d’endiguer celles liées au varroa. A défaut de pouvoir contrer véritablement celles liées aux pesticides, fongicides, herbicides et autres cides qui ont encore fait des ravages notamment dans les zones d’arboriculture et céréalières aux semences enrobées de produits systémiques. Même si certains comportements agricoles changent, nous avons eu des zones de colza non traitées avec ces produits, ce ne peut être que lentement tant les comportements des acheteurs restent les mêmes.
Jean Riondet
gdsa69@gmail.com