Mai commence avec les Saints de glace

On ne fait que poursuivre la séquence !

Après un démarrage en trombe, les colonies ont pris de plein fouet les pluies, fraicheurs, froidures diverses. Situation catastrophique pour certains, perte de vie, perte de biens, de récoltes. Pour nous dans notre région du sud de la Métropole de Lyon, dans mon village sans colza c’est zéro récolte pour l’instant et des mortalités par famine dans les ruches les plus fortes. Dans les zones de colza les récoltes furent acceptables. A peine quelques kilomètres et tout change !

Faire des essaims

Il est clair que l’apiculture productrice de miel, de gelée royale, de pollen est totalement liée à la météo comme nombre de productions agricoles de plein champ. L’apiculture hors sol n’a pas encore trouvé ses technologies comme pour les poules, les lapins, les tomates, les fraises …. Cependant, il y a un domaine qui s’en rapproche c’est celui de la production d’essaims et de reines.

Bien sûr pour une bonne fécondation des reines et un développement de qualité des essaims, le temps est une variable importante mais cette année par exemple, malgré le peu de jours de soleil les fécondations en cours ont, semble-t-il, assez bien réussi. Je trouve que cette année les colonies sont très riches en mâles et d’autant plus que j’utilise depuis deux années de manière systématique des cadres à barrettes de Vaysse de sorte que les abeilles produisent davantage de mâles.

Le mois dernier je vous proposais de réaliser des essaims sur 1 seul cadre de couvain avec bien des abeilles sans apport d’une reine ou d’une cellule royale, les abeilles se chargeant d’en élever une sur une larve du cadre. Pourquoi ce procédé fonctionne mieux qu’avec 2 cadres ou plus ?

Le fait d’enfermer les abeilles et le couvain entre 2 PIHP (partitions isolées haute performance inventées par Marc Guillemain) de recouvrir ce cadre avec un bonnet, feuille de réfléchissant qui enchâsse le sommet du cadre sur 10 cm environ, les conduit à réussir un élevage royal car la température et l’hygrométrie y sont au maximum possible et de manière continue. En évitant d’ouvrir pour surveiller l’apparition et le développement de la cellule royale en construction, la nymphose se fait dans d’excellentes conditions avec un minimum d’abeilles.

En mettant 2 cadres ou plus la dispersion de la chaleur est plus forte et le taus de réussite plus faible. Mais revers de la médaille, le développement de ces essaims est plus lent puisque moins dotés en abeilles et en couvain au départ. Il est bon de leur ajouter par la suite un cadre de couvain avec ses abeilles pour les renforcer et booster leur dynamique. Nourris jusqu’en septembre ils seront prêts pour l’hivernage dans de bonnes conditions.

Pour les traiter contre le varroa, on peut faire un dégouttement d’une spécialité à base d’acide oxalique au moment de la disparition du couvain ou de mettre 1/2 lanière d’un médicament à base d’Amitraz pendant 3 mois.

Les essaims faits dans ces conditions depuis le 21 mars ont tous réussi dans mon rucher d’élevage.

Une alternative paradoxale

Une solution totalement à l’opposé de mon propos précédent, à tester vu son taux de réussite. Faire réaliser dans un même corps de ruche des cellules royales naturelles sur 8 cadres par les abeilles de 4 ruches différentes,

Il faut un corps de 10 cadres, 2 PIHP et 4 ruches populeuses. Prendre dans chacune des ruches 2 cadres de couvain ouvert/fermé très couverts d’abeilles. Mettre côte à côte ces couples de cadres dans la ruche partitionnée puis fermer la ruche et l’emmener dans un rucher éloigné pour éviter la désertion d’un trop grand nombre d’abeilles. Et nourrir.

Une semaine plus tard, les 8 cadres sont tous dotés d’une ou plusieurs cellules royales. Il ne reste plus qu’à réaliser 8 essaims sur 1 cadre. Le taux de réussite est très élevé, cet élevage permet d’accélérer la production d’essaims quitte à changer les reines par la suite si ces nouvelles nées ne donnaient pas toute satisfaction.

Récolte de printemps

Pour ceux qui eurent la chance de voir les hausses se remplir, plusieurs apiculteurs m’ont indiqué avoir des taux d’humidité du miel voisin de 20% bien que les cadres fussent operculés. Le risque de fermentation étant non nul, les mielleries équipées de systèmes de déshumidification du miel permettront de le travailler. pour les petits producteurs, nombre d’entre eux ne récoltent pas ce miel, souvent riche en colza. Les hausses servent de réserve de nourriture pour les colonies qui doivent affronter un creux de floraisons de mi mai à mi juin. La récolte de ces exploitants non transhumants se situera, en règle générale, début juillet.

Même cristallisé dans les rayons ce miel, laissé aux abeilles, sera consommé. On surestime souvent la capacité des abeilles à utiliser les miels fortement cristallisés comme le miel de lierre généralement identifié comme à risque pour les réserves d’hiver.

Pourquoi le miel de printemps cristallise-t-il rapidement ?

Pour parler du colza qui est souvent la hantise des apiculteurs à cause de ce phénomène, ce nectar contient beaucoup de glucose. Or, ce sucre est peu soluble dans l’eau, beaucoup moins en tout cas que le fructose autre composant courant dans les fleurs et que le saccharose un peu moins fréquemment présent. Lorsque les abeilles travaillent le nectar, elles le concentre. De 30% de sucre, densité assez généralement présente, elles l’amène à 20%, voire moins, tant que la viscosité du miel est faible. Durant la maturation du miel par les abeilles leur chaleur maintient le miel liquide. Puis lorsque l’operculation est faite les abeilles ne vont plus sur ces rayons et leur température baisse provoquant la cristallisation du miel.

Élever ses reines

A la saison de l’essaimage naturelles les élevages artificiels de reines réussissent à coup sûr.

les méthodes sont nombreuses pour arriver à ses fins. Chacune correspond à l’objectif du nombre de reines à élever et à la sélection que l’on souhaite opérer.

  • Si l’on veut simplement remplacer 4 ou 5 reines, faire des essaims sur 1 cadre suffit amplement. On reproduit ses propres lignées avec les aléas d’une sélection a minima puisqu’on s’abstient seulement de reproduire les lignées essaimeuses ou malades ou agressives.
  • Pour élever une dizaine de reines, faire une sélection un peu plus conséquente, il faut en démarrer une vingtaine car, avec les aléas liés au temps, aux multiples manipulations des cellules et à la qualité pas toujours au rendez-vous des nucléi d’élevage, on dépasse rarement 50% de taux de réussite pour un éleveur occasionnel. Il faut utiliser des méthodes de démarrage de l’élevage dans un starter avec couvain, qui sont très simples à mettre en œuvre.
  • Pour élever davantage de reines il faut utiliser des méthodes de starter sans couvain. En effet, n’ayant aucun couvain à entretenir, cette population artificiellement composée massivement de nourrices n’aura à élever que les larves qu’on leur impose. On double très largement le nombre de cellules démarrées.
  • On notera que pour s’éviter le difficile exercice du picking, source de nombreux échecs, on utilisera un bloc de ponte qui permet de manière très simple de prélever des larves âgées d’un jour.

Ces méthodes et leurs étapes sont décrites dans mon ouvrage « Elever ses reines » aux éditions Ulmer. J’ai choisi des méthodes simples de mise en œuvre, accessibles pour tout amateur disposant de quelques ruches seulement. Ces méthodes permettent de passer directement de l’étape du starter à celle du nucléi d’élevage sans avoir besoin de « finisseurs » ou d’une couveuse. Même si je propose d’utiliser une couveuse australienne pour ceux qui souhaiteraient aller jusqu’à ce stade.

Dans notre ouvrage sur la Ruche RBC, Damien Merit décrit l’éleveuse en continu qui permet de réaliser des élevages d’une vingtaine de reines chaque semaine. A ce stade la complexité n’est surement pas de produire des cellules royales mais de produire le nombre des nucléi nécessaire pour finaliser ces cellules royales amorcées.

A noter qu’en opérant une sélection sur ses propres colonies en fonction d’un certain nombre de critères simples telles que la douceur, la résistance aux maladies et la qualité de l’hivernage, on arrive progressivement à disposer de colonies très résistantes ne serait-ce que par réduction des infestations liées aux virus que véhiculent les reines achetées ici ou là. La conférence d’Anne Bonjour Dalmon de l’INRAE sur les virus trouvés dans les reines commercialisées, dont certaines d’importation, est édifiante sur la diffusion massive de virus. Varroa en est un diffuseur important, le commerce de reines et des essaims également !

Traiter contre varroa

Si on suit le protocole de Beevital avec du Varromed pour lutter contre le varroa, cette période, si absence de hausses, est favorable à un traitement flash à l’aide d ‘une spécialité à base d’acide oxalique. Certes l’efficacité de cette action ne dépassera pas 50% mais on estime qu’en agissant ainsi on fait baisser la pression du parasite suffisamment pour maintenir les colonies en bonne santé pour les récoltes de l’été. L’encagement qui sera fait en juillet permettra de répéter l’opération et d’obtenir le meilleur résultat d’un traitement flash en absence de couvain.

J’ai adopté un calendrier similaire par sublimation et j’opère une application d’acide oxalique toutes les 6 semaines environ, hors la présence des hausses. Les colonies sont dynamiques et je n’observe pas d’accidents sur les reines, il est vrai que je les renouvelle chaque année ou tous les 18 mois. Les colonies bien traitées contre le varroa, la mortalité hivernale inquiétante n’est plus à l’ordre du jour.

A noter un excellent webinaire du GDS Pays de la Loire sur le traitement contre varroa dans le cadre de la constitution d’essaims artificiels en utilisant les médicaments à base d’acide oxalique ou d’acide formique, Apibioxal, Varromed, Oxybee, Varroxal, Formic Pro :

Le frelon à pattes jaunes

Dire qu’il est asiatique serait un tantinet désobligeant pour nos frères d’Asie… il reste tout de même envahissant.
Par chance je ne suis guère impacté, il y en a dans les ruchers mais pas de perte de ruche de son fait, au moins apparemment.

j’ai donc respecté les consignes de plan National de lutte contre le frelon à pattes jaunes en achetant les pièges conseillés. Force est de constater que seul le piège de BeeVital fonctionne dans mon contexte, tous les autres sont vides. Des collègues fortement impactés en ont trouvé dans toutes sortes de pièges, comme en pleine saison. L’efficacité d’un piège serait donc à tempérer par la densité des frelons observée l’année antérieure. Là où il y en eut beaucoup, la probabilité d’en attraper maintenant quel que soit le piège est élevée, par contre là où il y en eut peu, seuls les pièges très attractifs arrivent à en capturer.

A vérifier !

Auteur Jean Riondet

Apiculteur de longue date, Jean Riondet est un passionné qui aime apprendre et transmettre. Parallèlement à l’entretien de ses ruches, il enseigne l’apiculture depuis plus de 35 ans dans la région lyonnaise. Auteur d’un premier ouvrage, Un rucher dans mon jardin (Nathan, 1995), il rédige depuis l'an 2000 diverses rubriques d'abord dans la revue Abeilles et fleurs, puis dans la revue L'abeille de France. Il anime le blog de conseils apicoles sur Beehoo. Ses ouvrages actuellement disponibles : L'apiculture mois par mois - Le Rucher durable - Installer un premier rucher - Élever ses reines, trois méthodes simples. Il participe activement au Groupement d'action sanitaire apicole du Rhône (GASAR) qui assure la formation continue des apiculteurs du Rhône https://gasarhone.fr/ Jean Riondet est chevalier dans l'ordre du Mérite agricole

Laisser un commentaire

Apiculture