Après la phase d’expansion du couvain où les surfaces de couvain ouvert excèdent celles du couvain fermé, arrive celle de la reproduction des colonies via l’essaimage. L’excédent de nourrices et de cirières, les plus jeunes des abeilles en somme, part avec la vieille reine. Cette multiplication des colonies n’est pas sans risque puisque Thomas Seeley, le spécialiste américain des abeilles sauvage, estime à 12% tout au plus le taux de survie des essaims primaires au terme de l’hiver suivant.
Les essaimages doivent être fréquents pour que l’espèce survive, l’essaimage est donc un processus normal et sa maîtrise est le fait d’un éleveur. La ruche naturelle essaime et, sauf exception, ne fait pas de miel pour l’apiculteur.
Mon propos aujourd’hui portera sur une seule technique possible en ce moment du printemps où la fièvre d’essaimage bat son plein, la destruction des cellules royales.
La fièvre d’essaimage
Qu’appelle-t-on la fièvre d’essaimage ?
C’est le moment où les colonies élèventdes cellules royales et où se mettent en place toutes les phases du processus de départ : secouage de la reine, réduction de sa ponte, concentration de miel dans le jabot … Ces actions se déroulent sur plusieurs semaines et seule une visite régulière des cadres de corps permet d’observer certains de ces évènements. D’ailleurs, le seul vraiment visible avant la production de cellules royales, est la réduction de la ponte de la reine et le remplissage des cellules des rayons de couvain avec du nectar. Cette obstruction du nid produit un blocage de ponte favorable à l’allègement du poids de la reine par l’arrêt de production d’ovules, ses ovaires maigrissent et elle sera apte à voler.
lorsque l’essaim va partir, la face avant de la ruche est couverte d’abeilles qui marchent d’avant en arrière, une barbe se forme sous la planche d’envol, alors que la canicule n’est pas encore là !
Dès que les cellules royales apparaissent il n’est plus possible de casser cette mécanique sauf à découper la colonie en autant d’essaims (sur 1 à 3 cadres).
Mais, pour privilégier le maintien d’une colonie apte à collecter du nectar, en particulier sur les acacias qui commencent chez nous, on détruit systématiquement les cellules royales. Cette année je n’observe pas chez moi de rentrée exceptionnelles de nectar, il est vrai que dans mon désert alimentaire il n’y a que des céréales et pas de colza, alors qu’à 6 km, la commune voisine est couverte de colza et j’ai vu des ruches à 2 hausses couvertes de cadres operculés.
Détruire les cellule royales
C’est plus facile à dire qu’à faire car :
- Avec les lignées agressives on est vite dissuadé de poursuivre l’opération,
- il y a du monde dans le bourg et c’est galère pour trouver toutes les cellules surtout les plus tordues en bas de cadre ou sur les côtés,
- il ne faut pas confondre les cellules de remérage avec celles d’essaimage au risque de transformer des colonies orphelines en colonies bourdonneuses,
- il ne faut pas tuer la reine par une fausse manip, avoir des reines marquées est une sage précaution
- il faut travailler proprement pour ne pas accroître dans la ruche le volume des agents infectieux.
Matériel
- Un enfumoir qui fume
- un lève cadre stérilisé à la flamme du chalumeau ou à l’eau de javel
- autant de toits +1 que les ruches possèdent de hausses sur le corps. Par exemple, si la ruche qui a le plus de hausses en a 3 il nous faut prévoir 4 toits en tôle. Ces toits serviront de support pour ne pas écraser les abeilles et éviter les déposes au sol des divers éléments de la ruche qui ramasseraient ainsi des agents infectieux.
Mise en œuvre
- N’enfumer l’entrée que si les colonies sont agressives et le temps lourd (basse pression au baromètre, les chiens aboient, les petits enfants grognent et les cardiaques font des infarctus … bref, chacun aura ses critères),
- décoller chacune des hausses et les poser l’une après l’autre en biais sur un toit séparément, ceci pour éviter d’écraser des abeilles car l’odeur du venin qui en sort excite les autres,
- enfumer la grille à reine car la reine pourrait s’y trouver dessous et en l’enlevant on risquerait de la faire tomber au sol et de la perdre,
- sortir un cadre de rive, le moins plein d’abeilles pour faire de la place, le poser en biais dans un toit
- décoller tous les cadres et les déplacer sur la crémaillère pour ceux qui en sont équipées,
- sortir chaque cadre bien à la verticale sans le frotter aux autres pour trouver celui où se trouve la reine
- ce cadre trouvé, le poser à côté de celui sorti en premier en mettant la face où se trouve la reine contre le toit pour qu’elle soit à l’ombre
- sortir chacun des cadre de quelques cm et le secouer violemment entre ses mains sans toucher le corps pour ne pas écraser d’abeilles
- sortir ce cadre et inspecter toutes les zones où l’on voit des excroissances et les détruire. Bien sortir les larves pour éviter une éventuelle (bien que peu probable) reconstruction d’une CR sur la larve
- une fois la visite terminée, prendre la cadre avec la reine soit la faire tomber délicatement dans le corps entre des cadres sans la blesser puis inspecter le cadre pour le vider de ses cellules royale éventuelles, soit faire cette inspection la reine étant présente mais il faut être précautionneux,
- remettre le cadre avec la reine à son emplacement en prenant soin de bien écarter les cadres pour éviter de la rouler, blesser si elle s’y trouvait encore,
- refermer la ruche en mettant la GR et les hausses dans l’ordre. Chaque hausse sera inspectée par le dessous. On comptera le nombre de cadres qui seront très épaissis au bas ce qui donne une idée du nombre d’entre aux remplis et en cours d’operculation. Ceci évite une longue inspection en les sortant un à un,
- inutile d’enlever les ponts de cire sur la tête des cadres, ces échelles servent aux abeilles qui n’ont guère de gout pour faire du cheval d’arçon, dans la ruche les abeilles marchent !
Quand faire cette opération ?
Dés que l’essaimage pointe son nez, soit parce que l’on sait le repérer lors des visites soit au tout début de la floraison des glycines par exemple. Idéalement on châtre les CR tous les 6 jours, car au cas où on aurait loupé une CR ouverte avec une larve en préparation de reine on ne risque pas une naissance royale inopinée. Certes pour ceux qui sont loin de leurs ruchers et qui n’auraient le loisir d’y aller aussi fréquemment, tous les 7 jours est évidemment possible mais plus l’intervalle s’allonge plus le risque d’échec augmente.
On cesse de visiter à la fin des productions de CR. En principe une seule opération peut suffire, les colonies peu essaimeuses n’en refont pas. Mais si les CR apparaissent avec une régularité de métronome, outre le fait que c’est un indicateur de lignée essaimeuse donc à ne pas reproduire, on peut faire cesser le jeu en cassant la colonie en autant d’essaim que l’on veut ou peut en faire, puis dans 6 semaines, ces essaims ayant démarré, on les regroupe sans précaution particulière et la colonie reconstituée peut être une bonne colonie de production en ruchettes 6 cadres qui, avec des haussettes, produira du miel d’été.
Le 15 juin sortie de notre dernier livre
Disponible en précommande et livré avec une dédicace de Damien Merit
https://www.damien-merit-apiculture.fr/produit/la-ruche-basse-consommation-une-revolution-apicole/
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