Novembre est-ce la fraicheur assurée ?

Normalement à partir du monument au morts, les élus rentrent enrhumés des festivités de plein air.

C’est le top départ des froidures automnales et le début du retrait des colonies de leurs activités de butinage. Il y aura encore de belles journées, mais les rentrées de pollens et de nectars seront maigres parfois insuffisantes pour stopper la ponte de la reine, le plus souvent et surtout dans les rucher d’altitude les colonies se mettront en hivernage.

Mais qu’est-ce que l’hivernage ?

Ce n’est pas une période de repos pour les colonies qui continueront à maintenir la chaleur sur le couvain pondu jusqu’à maintenant, c’est une adaptation des colonies au manque de pollen, mais pas au manque de chaleur. Chauffer, elles peuvent le faire en tétanisant leur muscles alaires, ceux qui ont pour fonction de faire monter en température les muscle de vol. Elles peuvent produire un environnement chaud pour elles mêmes et pour leur couvain mais il ne suffit pas pour entretenir la ponte de la reine, il faut que rentre du pollen. Le déclin de la durée de l’ensoleillement est aussi un signal de l’entrée dans cette période de disette. Les couvains devraient disparaitre et la colonie se maintiendra à une température d’environ 27 à 31°c jusqu’au retour significatif de l’allongemetn de la durée du jour.

Que vont faire les abeilles ?

Le froid extérieur impacte fortement nos colonies logées dans des caisses d’emballage pour reprendre l’expression du grand Alin Caillas qui, dès 1948, dénonçait l’ineptie de nos ruches. Le climat externe s’invite dans la ruche, les abeilles vont développer deux stratégies pour maintenir la chaleur dont elles ont besoin. Elles ne dorment pas, elles n’hibernent pas elles continuent leur vie comme auparavant, certes au ralenti mais sans changement notable de leur métabolisme.

Elles vont encore chauffer de manière importante le couvain, jusqu’à sa disparition. La nymphose requiert entre 35 et 37°c pour être réussie. Avec le froid qui arrive, les abeilles commencent par se regrouper sur le couvain fermé ce qui assure un maintient de la chaleur en cet endroit, puis elles vont chauffer. En consommant du miel elles font vibrer, frisonner leur musculature. Produisant très peu de chaleur les abeilles doivent se mettre en nombre pour éviter les déperditions de calories et pour produire du chauffage. Ce travail est harassant, la fin du couvain est une bonne nouvelle, l’usure rapide des abeilles va cesser. C’est pour cela que l’apiculteur souhaite un froid régulier et durable qui fait cesser au plus vite les floraisons et par la même le développement du couvain à une époque où le renouvellement des colonies n’est plus nécessaire.

Dès la fin du couvain, les besoins en chauffage vont baisser la température peut rester aux alentours de 21°c et donc la consommation du miel sera moindre. En suivant les ruches par une pesée totale ou partielle (pesée arrière par exemple), on observe ce phénomène, le poids diminue puis cette diminution se ralentit et elle reprend 2 mois plus tard. Le premier temps c’est la fin du couvain, le second est sa réapparition.

Et dans la nature ?

Le tronc d’arbre creux qui fut le seul habitacle adapté aux colonies durant des millions d’années est une maison fort bien isolée avec des parois pouvant atteindre 25cm. L’entrée de la taille d’une branche latérale offre très peu de circulation d’air. Le miel situé au sommet cosntitue un tampon thermique sous lequel le nid à couvain sera développé. Les parois seront enduite peu à peu de propolis, gomme naturelle issue des bourgeons des arbres et arbrisseaux qui possède des vertus bactériostatiques et antifongiques. Dans le fond de la cavité les déchets de la colonie, des débris de bois entretiennent un humus humide favorable au développement d’un mycélium au sein duquel les abeilles viennent puiser des composés organiques ou biologiques dont elles semblent avoir besoin. Dans ce fond de ruche on y trouve divers autres habitants dont les petit scorpion des livres ou pseudo scorpion qui se nourrit des varroas en particuliers. Il leur injecte un suc digestif qui liquéfie l’intérieur du varroa et une fois la chimie effectuée le pseudo scorpion suce ce sirop nutritif. Ce pseudo scorpion est parfois observé dans nos ruches sauf si l’obsession de la propreté et la ventilation sont telles que nulle vie autre que les allées et venues de nos abeilles ne peut s’observer sur le plateau de sol !

Le volume des cavités n’excède pas 60 litres et si l’on exclue les rayons et leur contenant le volume d’air disponible est de l’ordre de 10 litres.

Dans cet espace l’hygrométrie y est très élevée, la densité du gaz carbonique également, deux facteurs qui semblent très péjoratifs pour la survie du varroa. La régulation de la température est assurée par les abeilles à moindre coût énergétique tant l’isolation protège le climat interne de cette ruche des fluctuations climatiques externes.

Concernant l’hivernage

La vie au ralenti de la colonie dès que le froid arrive et que disparait le couvain, sera à faible consommation de miel dans le tronc d’arbre creux et par comparaison à forte dépense de miel dans nos ruches à parois minces. La plasticité des colonies est telle que leur adaptation à nos conditions d’hébergement fait illusion. On observe des colonies dans des ruches très peu isolées qui arrivent à passer l’hiver, alors que d’autres bien isolées auront péri au cours de l’hiver !

Deux paramètres sont fondamentaux pour un bon hivernage, l’abondance des réserves, ce qui semble évident et surtout une destruction massive de varroa, faite aux bons moments de la saison.

Nos ruches à parois minces exigent des colonies un très gros travail de production de miel pour l’hivernage.

Haydak et ses collègues aux États Unis ont fait des observations sur des ruchers de 1940 à 1964 et ils ont montré que les taux de survie étaient très élevés dans les ruches bien isolées, de l’ordre de 90%, plus faibles dans des ruches moins isolées de l’ordre de 85 % et avec une moralité de 30% dans les ruches non isolées. Or ces études ont été menées à une époque où varroa n’était pas présent.

Aujourd’hui travailler la question de l’isolation des ruches et d’une conduite des colonies calée sur une approche en terme de bien être des colonies a du sens. Nous sommes à un moment où une prise de conscience est en cours sur la multiplicité des paramètres délétères en direction des insectes et des pollinisateurs en particulier.

On retiendra la réduction drastique de la ressource florale sous trois influences, les modes de cultures avec prédominance des monocultures, la constitution de prairies artificielles non pourvoyeuses de pollens et le remembrement des espaces cultivés qui engendre la disparition des haies. Le second facteur est l’obsession du fauchage des pelouses, des espaces verts et des bordures de routes, le dernier enfin est climatique avec les périodes répétées d’extrêmes chaleurs et de sécheresse.

S’ajoute pour l’abeille varroa qui représente un danger majeur.

Des évolutions sont en cours, l’agrochimie est mise en cause et de nouvelles modalités culturales apparaissent, les politiques agricoles relancent les plantations de haies ce qui sera bénéfique dans une dizaine d’années, les apiculteurs commencent à considérer le risque varroa à sa juste mesure, les formations via Internet fleurissent, et pour les formateurs en rucher école des actions spécifiques voient le jour. Mais tout cela reste lent, trop alors que les zones de risques pour les abeilles ne cessent de se multiplier avec de nouveau prédateurs et parasites. Si 2021 et 2022 devaient devenir une norme alors nous devrions changer nos pratiques et sans doute rechercher des abeilles plus adaptées aux fluctuations météo extrêmes. Agroforesterie et apiculture se rejoignent. Challenges passionnants.

La météo d’octobre

Un temps exceptionnellement chaud avec un peu d’humidité a relancé la nature. Les floraisons furent abondantes sur le lierre et sur les CIPAN, là où les agriculteurs en ont mis. Les réserves de miel se sont constituées, du pollen fut stocké en abondance, les couvains sont repartis. Furent-ils suffisants pour fournir les abeilles d’hiver ? On le verra en janvier / février.

Ces chaleurs ont favorisé les pillages, les colonies fortes ont été visiter les voisines et les ré-infestations de varroa sont majeures. Dans ces cas la qualité des médicaments n’est pas à mettre en cause, simplement il faut traiter de suite les colonies infestées et veiller à la bonne qualité du traitement de décembre qui sera déterminant pour la survie des colonies et pour leur bon santé en 2023.

Quelles actions à mener ?

Surveiller le poids des ruches, apporter du candi dès ce mois aux petites colonies. Le poser sur la tête des cadres pour qu’il soit au plus près des abeilles. Mieux vaut exagérer que de laisser mourir de faim nos populations. Il n’y a rien d’autre à faire.

Ne plus ouvrir sauf pour un traitement contre varroa et n’apporter le candi que sur l’écharpe et ne pas aérer le corps. Ce serait un risque majeur de condensations inutiles et parfois funestes.

Pour tester les propositions de nos amis italiens, j’ai encagé des reines l’avant dernier jour d’octobre, juste avant les premières fraicheurs. Je ferai les traitements début décembre et je libérerai les reines mi ou fin janvier. A voir si les résultats seront convaincants.

Mettre les ruches en hivernage artificiel

Le temps ensoleillé et chaud ne favorise pas la mise en hivernage des colonies. Les abeilles ortetPour accélérer le processus Xavier Dumont, un apiculteur d’Occitanie a teseter plusieurs méthodes, la plus simple étant d’orienter les ruches au nord et d’occulter l’entrée pou éviter aux abeilles d’être attirées par les rayons lumineux. Les résultats de ses expérimentations sont encourageants, cette voie est à explorer. https://lerucherdecantegril.wordpress.com/lexperimentation-sur-les-4-ruches-tests/

Resserrer les colonies

Une question est revenue plusieurs fois sur la manière de resserrer les colonies. Pour ma part j’applique les méthodes développées par Marc Guillemain sur la conduite des colonies en isolation renforcée.

Le principe est de réduire l’espace de vie des abeilles pour qu’elles aient le moins de surface de rayons à chauffer. Les rayons auront alors 2 couches d’abeilles.

Comment faire ? On resserre les cadres de couvain entre 2 partitions isolées et réfléchissantes. Tous les cadres de couvain bien couverts d’abeilles y seront. Mais s’il en était un, peu pourvu en abeilles, alors il serait laissé avec tous les cadres de miel de l’autre coté de la partition avec tous les acres de miel et pollen.

Une fois le couvain né de l’autre coté de la partition, les abeilles reviendront à l’endroit où se trouve la reine. Normalement, à cette époque les cadres de couvain sont entourés d’une belle couronne de miel. Il y a donc de la réserve du côté où se trouve la reine et s’il venait à manquer de la nourriture les abeilles iraient en chercher de l’autre coté de la partition.

Les partitions sont des cadres dans lesquels on insère une plaque de polystyrène ou une plaque de liège de 20mm, entouré d’une feuille d’isobulle aluminé de 3mm d’épaisseur, l’isobulle est coupé à la largeur de la tête des cadres, y compris les épaulements ce qui produit des lèvres sur la hauteur qui frottent contre la paroi du corps. L’étanchéité est maximale à cet endroit.

Au sommet on couvre le corps d’une « écharpe » feuille d’isobulle aluminé de 3mm d’épaisseur qui couvre totalement le sommet et qui en déborde pour couper toutes les fuites de calories et les courants d’air. On ajoute 4 à 6 cm de polystyrène puis le toit en tôle.

L’isobulle est aluminé pour renvoyer les rayons infra rouge sur le couvain les abeilles ayant de faibles capacité de chauffage, elles chauffent par le biais du rayonnement infra rouge qu’elles produisent directement sur le couvi an ce qui chauffe relativement moins l’air de la ruche. C’est le principe des panneaux radiant pour notre chauffage domestique.

Il faut un matériau très protégé pour éviter des transfert d’aluminium dans al ruche et le grignotage par les abeilles. C’est pour cela, qu’à l’expérience, Marc Guillemain avait trouvé le produit XLMat comme etant le plus conforme à ses exigences. Cet isobulle est verni ce qui protège la mince couche brillante et on constate que les abeilles ne peuvent le grignoter. D’autres produits que nous avons testés ne durent pas une saison alors que celui là permet de durer plusieurs années, à condition de ne pas y planter le lève cadre !

Une condition est de bien tendre comme une peau de tambour l’isobulle pour éviter des constructions anarchiques. La température contre la partition y est telle que les abeilles adorent y construire dessus et al reine venir y pondre.

Mais comment vont-elles pouvoir passer sous la partition s’il fait froid ?

On ajoute une chaussure, plateau couvre cadre mis sur le plateau de sol entre celui-ci et le corps. Ce palteau est isolé coté plateau de sol par un polystyrène extrudé de 20mm, et coté corps recouvert d’une feuille d’isobulle. L’entrée se fait par une fente d’environ de 25 cm de longueur et de 15 à 20 mm de largeur

Ainsi organisée la ruche devient un espace chaud, à l’hygrométrie élevée qui optimise la production de chaleur pour les abeilles.

Au terme du resserrement, les colonies sont régulièrement hivernées sur 4 ou 5 cadres de couvain seulement.

En cas de très petite population dotée d’une reine de qualité, 2 cadres peuvent suffire, mais un apport constant de candi est nécessaire car à sa taille est associée une insuffisance des réserves, sauf à l’avoir doté de 2 cadres de miel.

Nouvelles de nous autres

Notre collègue aveyronnais, Gérard Vaysse, l’inventeur du cadre à baguettes avec la tête biseautée et pré-cirée a été primé au congrès de Quimper.

Ce cadre de corps, comme hausse, se recycle parfaitement bien. Un coup de cutter le long des baguettes et le rayon se décroche. C’est un cadre durable !

Le cadre de hausse résiste sans problème à l’extraction et la découpe entre les baguettes donne exactement le format des sections à mettre dans les boites d’emballage adequat.

Recyclable, sans ajout de cire gaufrée et rapide de mise en œuvre, aisément réparable en remplaçant les baguettes cassées, le prix de ce cadre est en réalité parfaitement compétitif par rapport à un cadre filé gaufré.

Le suivi de l’évolution des colonies au « cadre à mâles » est simplifié, le retrait de mâles pour la lutte biotechnique contre varroa est également facilité.

Le premier cadre à bâtisses libres est souvent construit en cellules à mâles, sauf s’il est mis au centre du nid à couvain. Par la suite l’équilibre de 20 à 25% de rayons à mâles s’installe de lui même.

Innovation simple mais d’une immense intérêt. Disponible chez Naturapi.

Auteur Jean Riondet

Apiculteur de longue date, Jean Riondet est un passionné qui aime apprendre et transmettre. Parallèlement à l’entretien de ses ruches, il enseigne l’apiculture depuis plus de 35 ans dans la région lyonnaise. Auteur d’un premier ouvrage, Un rucher dans mon jardin (Nathan, 1995), il rédige depuis l'an 2000 diverses rubriques d'abord dans la revue Abeilles et fleurs, puis dans la revue L'abeille de France. Il anime le blog de conseils apicoles sur Beehoo. Ses ouvrages actuellement disponibles : L'apiculture mois par mois - Le Rucher durable - Installer un premier rucher - Élever ses reines, trois méthodes simples. Il participe activement au Groupement d'action sanitaire apicole du Rhône (GASAR) qui assure la formation continue des apiculteurs du Rhône https://gasarhone.fr/ Jean Riondet est chevalier dans l'ordre du Mérite agricole

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